Les Quatre Seigneurs de Montpellier…

Chronique véridique et savoureuse d’une grande bataille qui ne fut point…

Aujourd’hui, je vous propose de découvrir l’origine du nom d’un quartier que tous les montpelliérains connaissent, à savoir le quartier des Quatre Seigneurs, qui se situe au nord de la ville. Alors, je vous souhaite une belle lecture de ce texte, une aussi belle lecture que le plaisir que j’ai eu à le rédiger.

En ces temps reculés où la Gaule méridionale s’égayait sous les rayons d’un soleil prodigue, en cette contrée languedocienne où le vin coule aussi généreusement que les paroles fleurissent sur les lèvres des hommes, se déroula une histoire si extraordinaire, si merveilleusement cocasse, qu’elle mérite d’être contée avec tous les égards dus aux grandes épopées de notre histoire.

Oyez donc, amis lecteurs, la véritable chronique des Quatre Seigneurs de Montpellier, que les archives poussiéreuses ont tenté de nous dissimuler, mais que la tradition populaire, plus véridique en son essence que tous les grimoires officiels, a préservée jusqu’à nous.

L’an de grâce mil trois cent soixante et quelques – car en ces temps-là, les calendriers n’étaient pas la préoccupation première de nos ancêtres – s’élevait au nord de la noble ville de Montpellier une colline verdoyante d’où l’œil embrassait la mer au loin. En ce lieu qui allait devenir le fameux Plan des Quatre Seigneurs, régnaient quatre hobereaux, quatre gentilshommes campagnards, dont les domaines se touchaient comme se touchent les quartiers d’une pomme.

À l’est trônait le baron de Montferrier, homme corpulent à la moustache aussi imposante que sa personne, premier des barons par l’importance de ses terres et, surtout, par l’opinion qu’il avait de lui-même. Son château, bâti de pierres blondes, dominait fièrement la vallée, et ses caves regorgeaient du meilleur vin de la contrée, dont il s’abreuvait copieusement à toute heure du jour.

À l’ouest s’étendaient les terres du marquis de Grabels, personnage sec et nerveux comme un sarment de vigne, au nez pointu comme une rapière et à l’esprit tout aussi acéré. Sa demeure, moins imposante mais mieux entretenue, s’ornait de vignobles réputés et de jardins odorants où se prélassaient des paons à la fierté égale à celle de leur maître.

Au nord régnait le baron de Clapiers, homme de haute stature, à la barbe rousse et flamboyante comme le caractère qui l’animait. Veuf depuis dix ans, il vivait entouré de chiens de chasse et de serviteurs aussi bruyants que leurs bêtes. Sa forteresse austère témoignait de son goût pour l’art militaire, bien qu’il n’eût jamais participé à d’autre conflit que des querelles de voisinage.

Enfin, au sud s’étendait le domaine du sire de Saint-Gély-du-Fesc, gentilhomme débonnaire au ventre prospère et à la calvitie avancée, compensée par une barbe si abondante qu’on eût dit qu’elle avait absorbé tous les poils destinés à sa tête. Amateur de bonne chère et de jolies femmes, il tenait table ouverte pour ses amis et admirateurs, parmi lesquels on ne comptait point ses trois voisins.

Car il faut savoir, ami lecteur, que ces quatre seigneurs nourrissaient les uns pour les autres une inimitié aussi ancienne que leurs lignées. Leurs ancêtres s’étaient disputés terres, droits de passage et faveurs des belles, et eux-mêmes perpétuaient cette tradition avec un zèle digne d’une meilleure cause.

Mais venons-en aux faits qui nous occupent. L’histoire officielle, celle que content les parchemins poudreux, nous parle d’un litige territorial entre le seigneur de Montferrier et un certain baron de Manhania, assistés respectivement par Pierre du Vidal et Guillaume du Cayla. Fade querelle administrative, sans saveur ni couleur !

La véritable histoire, celle que rapporta le félibre Dezeuze – dont la plume était trempée autant dans l’encre que dans le vin de nos coteaux – est bien plus savoureuse et digne de ces terres où l’hyperbole est aussi naturelle que la respiration.

Tout commença par un affront, comme il sied à toute bonne querelle méridionale. Par un beau matin de printemps, alors que les amandiers fleurissaient et que les alouettes saluaient le soleil, le marquis de Grabels et le baron de Montferrier se croisèrent à la limite de leurs domaines respectifs. Nul ne sait qui salua l’autre le premier, question d’importance capitale en matière d’étiquette nobiliaire. Toujours est-il que les salutations dégénérèrent rapidement en échange d’aménités fleuries.

« Eh bien, mon cher voisin, » lança Grabels avec un sourire aussi mielleux que venimeux, « je vois que vous avez encore engraissé depuis notre dernière rencontre. À ce train-là, vos coffres se videront aussi vite que votre panse s’emplit ! »

Piqué au vif – et Dieu sait qu’il offrait une cible ample – Montferrier répliqua avec aigreur : « Je préfère, mon bon, un coffre vide et une panse pleine qu’un coffre plein et une tête vide, comme c’est votre cas ! »

De fil en aiguille, l’échange verbal s’envenima jusqu’au moment fatidique où Grabels, écarlate de rage, traita son interlocuteur de « vulgaire et calamiteux mouille-fesse », insulte suprême dans ce pays où le verbe est roi et où la métaphore aquatique est perçue comme la pire des injures en cette terre assoiffée.

Montferrier, suffocant d’indignation, riposta en qualifiant son adversaire du « dernier des trempe-cuisse », expression dont la grossièreté fit s’envoler une nuée de moineaux perchés sur un olivier voisin.

L’affaire eût pu en rester là, comme tant d’autres querelles de voisinage qui s’évaporent avec les vapeurs du vin. Mais le baron de Montferrier, dont l’orgueil était aussi démesuré que sa circonférence, ne pouvait laisser passer pareil affront. Rentré dans son château, il convoqua son intendant, le terrible Bras de Fer, ainsi nommé non pas pour sa force physique – qui était médiocre – mais pour son inflexibilité à percevoir les impôts auprès des paysans récalcitrants.

« Bras de Fer, » tonna le baron, « je veux que tu rassembles mes hommes d’armes ! Nous allons donner une leçon à ce freluquet de Grabels ! »

Bras de Fer, homme pragmatique s’il en fut, se gratta la tête d’un air dubitatif : « Vos hommes d’armes, monseigneur ? Vous voulez dire les trois gardes qui surveillent le portail et le vieux Mathieu qui fait la ronde avec sa lanterne ? »

« Ne joue pas au plus fin avec moi ! » s’emporta le baron. « Convoque les onze gaillards de Baillarguet ! Ces hommes me doivent allégeance pour les terres que je leur ai concédées. Et envoie un messager à mon ami, le baron de Clapiers. Dis-lui que l’heure est venue de sceller notre alliance contre nos ennemis communs ! »

C’est ainsi que, trois jours plus tard, se présentèrent au château de Montferrier onze villageois de Baillarguet, robustes paysans armés de gourdins en micocoulier, bois réputé pour sa solidité et sa souplesse. Ces braves gens, tirés de leurs champs en pleine saison des semailles, manifestaient un enthousiasme modéré pour l’aventure guerrière qui s’annonçait. Mais le devoir féodal et la crainte de voir leurs redevances augmentées les avaient convaincus de répondre à l’appel de leur seigneur.

Le baron de Clapiers arriva le même jour, accompagné de dix-neuf hommes armés de frondes, ces redoutables armes qui, jadis, permirent à David de terrasser Goliath. Ce renfort considérable gonflait les effectifs de l’armée de Montferrier à des proportions presque impressionnantes : trente-quatre combattants, en comptant les deux barons, leur chef de guerre Bras de Fer et le jeune page chargé de porter l’étendard – une vieille nappe sur laquelle la cuisinière avait hâtivement brodé les armoiries de la maison.

Mais la surprise la plus considérable fut l’arrivée, à la onzième heure, d’un contingent inattendu : les épouses des soldats de Baillarguet et de Clapiers, armées de leurs redoutables battoirs à linge, réclamaient à grands cris le droit de participer à cette glorieuse expédition. Ces dames, menées par la terrible Dame Bras de Fer – dont la langue était plus acérée que n’importe quelle épée – déclarèrent qu’elles ne laisseraient point leurs époux risquer leur vie sans leur protection.

« Ces hommes, » proclama Dame Bras de Fer avec une assurance qui fit pâlir son mari, « sont incapables de se battre sans notre aide. Ils ne savent même pas recoudre leurs propres chausses, comment voulez-vous qu’ils mènent une guerre ? »

Le baron de Montferrier, quoique contrarié par cette intrusion féminine dans ses plans militaires, n’osa point contrarier cette redoutable matrone dont la réputation s’étendait jusqu’à Montpellier. Il accepta donc ce renfort insolite, portant ainsi ses troupes à près de soixante combattants des deux sexes.

Pendant ce temps, le marquis de Grabels n’était pas resté inactif. Averti des préparatifs de son voisin par des espions – en l’occurrence, deux jeunes bergers qui avaient assisté à l’arrivée des troupes tout en faisant paître leurs moutons – il avait lui aussi rassemblé ses forces.

À leur tête se trouvait le dénommé Grattecuir, perruquier de son état, qui avait troqué ses ciseaux contre une lance improvisée. Homme d’ingéniosité, il avait fait fabriquer par le forgeron local des crochets de métal dont l’usage précis restait mystérieux mais dont l’aspect menaçant suffisait à impressionner.

Sous ses ordres marchaient cinq « sauteurs de roc », ces hommes agiles qui parcouraient les garrigues en quête de gibier, armés pour l’occasion d’aiguillons à piquer les bœufs. Venaient ensuite quatorze soldats de Saint-Gély-du-Fesc – prêtés par leur seigneur, ravi de cette occasion de nuire à ses voisins – équipés de l’arme la plus redoutable qui soit dans ces contrées : un pot de couleur et un pinceau de plâtrier fixé au bout d’une perche de deux mètres. Leur mission : marquer d’infamie les boucliers et les visages des ennemis en y dessinant des symboles obscènes que la décence nous interdit de décrire ici.

Le jour fatal arriva. L’aube se levait à peine lorsque les troupes de Montferrier, guidées par le terrible Bras de Fer, descendirent la colline en direction du domaine de Grabels. En tête marchaient fièrement les deux barons, engoncés dans des armures héritées de leurs aïeux, si étroites pour Montferrier qu’il respirait avec difficulté, si larges pour Clapiers qu’elles cliquetaient à chacun de ses pas. Venaient ensuite les hommes de Baillarguet et de Clapiers, suivis par le corps auxiliaire féminin, dont les battoirs luisaient sous le soleil matinal comme autant de boucliers.

Sur le versant opposé progressaient les troupes de Grabels, menées par Grattecuir dont la perruque de cérémonie – qu’il avait tenu à porter pour l’occasion – lui donnait l’aspect étrange d’un lion à crinière rousse. Derrière lui, les sauteurs de roc avançaient avec l’agilité qui les caractérisait, tandis que les soldats de Saint-Gély progressaient plus lourdement, encombrés par leurs perches et leurs pots de couleur.

Les deux armées se retrouvèrent face à face dans une petite vallée, séparées par un ruisseau que les récentes pluies avaient gonflé jusqu’à atteindre la largeur impressionnante d’un mètre. Ce cours d’eau, obstacle imprévu, causa un premier moment de confusion : comment le traverser sans mouiller ses chausses ?

C’est alors que survint l’événement qui allait changer le cours de cette glorieuse bataille avant même qu’elle ne commence. Dame Bras de Fer, excédée par les tergiversations des hommes devant un si modeste obstacle, s’avança jusqu’au bord du ruisseau et, les poings sur les hanches, interpella son mari d’une voix qui fit s’envoler une nuée de corbeaux perchés sur un chêne voisin.

« Alors, Monsieur Bras de Fer, on hésite devant une goutte d’eau ? C’est donc ça, ton courage dont tu te vantes à la taverne ? Et vous, » poursuivit-elle en se tournant vers les deux barons, « nobles seigneurs qui vous gonflez comme des outres vides, cette guerre ridicule n’est pas la vôtre ! Ce n’est qu’une querelle d’ivrognes qui ont bu plus que de raison ! Allez, laissez-les faire et rentrons chez nous, car j’ai une lessive qui m’attend, et mon battoir servira mieux à ça qu’à frapper des têtes aussi vides que des citrouilles en novembre ! »

Un silence stupéfait accueillit cette harangue. Du côté adverse, les troupes de Grabels observaient la scène avec un mélange de curiosité et de soulagement, car l’enthousiasme guerrier n’était pas plus élevé dans leurs rangs que dans ceux de leurs adversaires.

Le baron de Montferrier, cramoisi de rage ou d’embarras – nul ne put le déterminer car son teint était habituellement fort coloré – ouvrit la bouche pour répliquer. Mais avant qu’un son ne puisse franchir ses lèvres, un événement inattendu se produisit sur l’autre rive.

Le sire de Saint-Gély-du-Fesc, qui avait jusqu’alors observé les préparatifs sans y prendre part, apparut soudain au sommet de la colline. Monté sur un âne gris – car il était trop corpulent pour qu’un cheval le supporte longtemps – il descendit vers le champ de bataille improvisé, suivi par son cuisinier qui portait un panier couvert d’un linge blanc.

« Holà, mes amis ! » clama le sire de Saint-Gély d’une voix joviale qui contrastait avec la tension ambiante. « Quelle est cette mascarade ? Des hommes d’armes dans mes vignobles ? Des battoirs brandis comme des masses d’armes ? Par tous les saints du paradis, est-ce ainsi qu’on honore cette belle journée que Dieu nous accorde ? »

Parvenu au bord du ruisseau, face à Dame Bras de Fer qui le toisait avec méfiance, le sire poursuivit : « Ma chère dame, votre sagesse illumine cette vallée comme un rayon de soleil en hiver. Vous avez raison, mille fois raison ! Quelle folie nous a saisis, nous autres nobles, pour nous quereller ainsi ? N’est-il pas plus doux de partager un verre de vin que de croiser le fer ? »

Se tournant vers le marquis de Grabels qui venait de les rejoindre : « Mon cher voisin, votre vin blanc est le meilleur de la contrée, n’est-ce pas une raison suffisante pour vous estimer ? » Puis, s’adressant au baron de Montferrier : « Et vous, mon ami, vos fromages sont si excellents que ma table serait triste sans eux ! » Enfin, saluant le baron de Clapiers : « Quant à vous, votre gibier est si tendre qu’il fait les délices de tous les gourmets ! »

Joignant le geste à la parole, il fit signe à son cuisinier qui découvrit le panier, révélant aux yeux ébahis des belligérants un assortiment de victuailles si appétissantes qu’un murmure d’appréciation parcourut les deux armées.

« Voilà, » conclut le sire de Saint-Gély en tapotant son ventre proéminent, « les vraies richesses de notre terre ! La bonne chère, le bon vin, et la bonne compagnie ! Posez vos armes, mes amis, et partageons ce modeste repas. Les querelles s’évanouiront avec la première gorgée, je vous le promets ! »

L’effet de ce discours fut prodigieux. Les soldats improvisés, déjà peu enclins à risquer leur peau pour une histoire d’insultes entre nobles, saisirent avec empressement cette occasion de transformer une bataille en banquet. Même Dame Bras de Fer sembla mollir dans sa résolution guerrière, séduite par l’arôme d’un jambon de montagne que le cuisinier venait de découper.

Seuls les quatre seigneurs demeuraient rigides dans leur orgueil blessé. Le baron de Montferrier, le marquis de Grabels, le baron de Clapiers et le sire de Saint-Gély se toisaient avec une hostilité à peine contenue, tandis qu’autour d’eux se déployait une atmosphère de plus en plus festive.

C’est alors qu’un ultime défi fut lancé par le marquis de Grabels, qui proposa un duel d’honneur à son ennemi juré : « Montferrier, si vous êtes un homme, affrontez-moi seul à seul ! Que notre querelle se règle entre nous, sans impliquer ces braves gens qui n’aspirent qu’à retourner à leurs champs – ou à leur lessive, » ajouta-t-il avec un regard oblique vers Dame Bras de Fer.

Le baron de Montferrier accepta avec une promptitude qui trahissait son soulagement de ne pas avoir à mener une armée au combat – art dans lequel il était aussi novice que dans celui de la tempérance. Les deux adversaires tirèrent leurs épées, tandis que leurs troupes respectives formaient un cercle autour d’eux, aussi avides de spectacle que de la collation promise par le sire de Saint-Gély.

Ce qui se passa ensuite relève du prodige ou de la farce, selon le point de vue. Les quatre seigneurs, emportés par une fougue que l’âge n’avait pas tempérée, se ruèrent les uns sur les autres dans une mêlée confuse. Épées, dagues et même une hallebarde venue on ne sait d’où tournoyèrent dans un fracas métallique qui effraya les oiseaux nichés dans les oliviers voisins.

Quand la poussière retomba, un spectacle à la fois tragique et comique s’offrit aux yeux des spectateurs médusés : les quatre seigneurs gisaient sur le sol, embrochés deux par deux comme des volailles préparées pour un festin. Le baron de Montferrier et le marquis de Grabels s’étaient transpercés mutuellement, tandis que le baron de Clapiers et le sire de Saint-Gély connaissaient un sort identique quelques pas plus loin.

Le silence qui suivit fut si profond qu’on put entendre le murmure du ruisseau et le bourdonnement lointain des abeilles dans les lavandes. Puis, comme si un signal invisible avait été donné, les deux armées commencèrent à se disperser. Les soldats improvisés, déposant leurs armes hétéroclites, entreprirent de rendre un dernier hommage à leurs seigneurs en les ensevelissant sur place, sous quatre tertres identiques surmontés d’une simple croix de bois.

Ainsi s’acheva la grande bataille des Quatre Seigneurs, qui aurait mérité de figurer aux côtés de Marignan dans les livres d’histoire, non pour son importance stratégique mais pour la leçon philosophique qu’elle prodigue : la vanité des querelles humaines face à la permanence de la terre qui accueille et nourrit les hommes.

Épilogue

On raconte que quelques années plus tard, un cyprès majestueux surgit mystérieusement entre les quatre tombes, comme si la terre avait voulu sceller la réconciliation posthume des seigneurs querelleurs. Cet arbre devint si grand, si droit et si visible, qu’il servit longtemps de repère aux navigateurs qui, depuis la mer, cherchaient à s’orienter vers le port de Montpellier.

Au XIXe siècle, ce cyprès appartenait encore à un certain M. Aristippe Anterrieu, qui percevait la somme non négligeable de cinquante francs pour son entretien. Mais hélas, comme toute chose en ce bas monde, le cyprès finit par disparaître, emporté dit-on par une tempête d’équinoxe particulièrement violente.

Quant aux femmes des quatre seigneurs, l’histoire ne dit pas ce qu’elles devinrent après le trépas de leurs époux. Certains prétendent qu’elles formèrent une sorte de conseil informel qui gouverna sagement la région pendant plusieurs années, instaurant une ère de paix et de prospérité dont le souvenir s’est transmis jusqu’à nous sous forme de légende. D’autres affirment qu’elles se remarièrent promptement avec des marchands enrichis de Montpellier, troquant sans regret leurs titres de noblesse contre une existence plus confortable et moins exposée aux querelles d’honneur.

Une chose est certaine : le lieu de cette bataille qui n’eut pas lieu porte toujours le nom de Plan des Quatre Seigneurs, témoignage persistant d’une époque où les hommes préféraient mourir pour leur orgueil plutôt que de partager paisiblement leur terre et leur vin.

Mais comme le disait le félibre Dezeuze avec son inimitable accent montpelliérain : « Lou pus bel oustau es aquèu ounte l’on ris » – la plus belle maison est celle où l’on rit. Et cette histoire, malgré sa fin tragique, n’a-t-elle pas le mérite de nous faire sourire, nous rappelant ainsi la vanité des disputes humaines face à l’éternité de notre terre languedocienne ?

Après des études en science politique et en géographie et histoire de l'urbanisme, Fabrice Bertrand, né à Montpellier, anime depuis 2016 le groupe Facebook "Montpellier Histoire et Patrimoine" qui compte près de 30.000 membres. Il est aujourd'hui en charge de plusieurs projets, qui visent à mettre en valeur le patrimoine scientifique et intellectuel montpelliérain.

Laissez le premier commentaire

Review Your Cart
0
Add Coupon Code
Subtotal
Total Installment Payments
Bundle Discount