Les traditions de la Saint-Sylvestre en Languedoc

En feuilletant les ouvrages anciens et les vieux recueils de proverbes, nous pouvons découvrir de véritables trésors qui éclairent la façon dont se vivait autrefois, sur nos terres languedociennes, la journée de la Saint-Sylvestre, cette journée du 31 décembre qui marque la transition d’une année à l’autre et qui revêt un aspect hautement symbolique.

À Montpellier, ancienne capitale du Bas Languedoc, cette période charnière de l’année revêtait une saveur particulière, mêlant croyances populaires, dictons occitans et coutumes pittoresques. Il faut bien rappeler que Montpellier était alors, comme aujourd’hui d’ailleurs – mais d’une autre façon – un centre où se mêlaient toutes les cultures, toutes les traditions provenant des quatre coins des provinces du Sud et parfois des traditions plus exotiques.

Saint-Sylvestre, le paresseux

Parmi ces perles, on évoque souvent la réputation de Saint-Sylvestre, un saint personnage que l’on jugeait quelque peu paresseux. Non sans un sourire amusé, on n’hésitait pas à dire de lui que :

« Sant-Silvèstre, Se Coureguèsse, ié poudié pas èstre. » Un trait d’humour que l’on peut traduire par « Saint-Sylvestre, s’il n’avait pas couru, il n’aurait pu y être ».

Cette ironie illustre bien l’esprit moqueur de nos aïeux, qui voyaient dans cet ultime saint de l’année un compagnon indolent, qui aurait pu – à un jour près – manquer la date butoir pour être célébré.

La Saint-Sylvestre et l’état des lieux de l’année écoulée

Après avoir brocardé la lenteur de Saint-Sylvestre, les anciens se retournaient sur leur propre année avant de changer de calendrier. Ils évaluaient les projets menés à bien ou laissés en suspens, voire en déshérence. La sagesse populaire, que nous pourrions dans ce cas retrouver, rappelait alors que

« Pèr Sant-Silvèstre, ço que noun se fai, que rèste ! »
« ce qui n’est pas fait avant la Saint-Sylvestre, ne se fera pas »

Ce proverbe souligne l’importance de terminer ses affaires avant le changement d’année, sous peine de les voir traîner indéfiniment. Mais aussi, d’abandonner ces projets chimériques, parfois fantasques, que l’on traîne année après année et pour lesquels on garde éternellement l’espoir de les voir aboutir.

“Per sant-Silvèstre, quau bat pas sa fenna lou matin, la bat Lou vèspre”

On découvre également, dans un essai consacré aux arts et traditions populaires du Languedoc, qu’à la veille du premier janvier, les femmes de ce pays, avaient pour habitude de prier Saint-Sylvestre afin de bénir l’année à venir. Peut-être priaient-elles également pour conjurer le sort qui leur était promis par un autre adage, autrement plus sombre et plus funeste pour elles, qui disait que « pour la Saint-Sylvestre, celui qui ne bat pas sa femme le matin, la bat le soir. »

Ces mots, choquants pour nos oreilles modernes, illustrent les mœurs d’une époque révolue – du moins on ose l’espérer – où l’on pourrait croire que les festivités de fin d’année s’accompagnaient d’excès regrettables. En fait, il n’en était rien… Ce proverbe rappelait la place de la femme et la soumission auprès de leurs époux, dont elles pouvaient parfois être victimes. Cela nous renvoie à la perpétuation du système patriarcal, qu’il convenait de ne pas remettre en cause, et qu’en dernier jour de l’année, on devait rappeler.

Heureusement, les mentalités évoluent, tout comme les années qui se succèdent, et l’on se réjouit que de telles attitudes aient disparu de notre quotidien.

Ainsi, à Montpellier et dans l’ensemble du Languedoc, la Saint-Sylvestre résonne comme un moment privilégié pour tirer le bilan de l’année écoulée et se préparer à accueillir la nouvelle dans la joie et la bonne humeur. Puissions-nous profiter de cette soirée pour partager un instant convivial entre amis et en famille, bien loin de ce dernier proverbe d’antan, mais en gardant tout de même à l’esprit ces proverbes qui font partie intégrante de notre patrimoine culturel.

Alors, chers lecteurs, passez une excellente soirée de la Saint-Sylvestre et retrouvez-nous dès demain dans Les Carnets de Montpellier pour commencer la nouvelle année du bon pied !

Et, bien sûr, souvenons-nous de la sage recommandation qui veut qu’il ne soit pas de bon augure de présenter ses vœux avant le 1er janvier…

Bonne fin d’année à tous ! et à demain.