Le Pic du Saint-Loup vu par un voyageur du début du 20ème siècle

Au début du 20ème siècle, un géographe, écrivain, journaliste, du nom d’Ardouin-Dumazet, dans un de ses nombreux ouvrages, nous donnait ces impressions concernant Notre Pic-Saint-Loup. Nous vous les livrons sans expurger la moindre partie de sa relation de voyage. Vous verrez que le regard sur notre Montagne Sacrée a bien changé :

“Des environs de St-Martin-de-Londres, le pic du St Loup se présente sous un aspect terrible. Ce n’est plus la fière aiguille admirée du littoral, ni le chaînon tapissé de broussailles que l’on voyait des Matelles, c’est une gigantesque falaise se dressant à pic au-dessus de pentes maigrement revêtues de taillis et faisant face à la chaine des grandes Cévennes.

Sur ce versant, le pic est inabordable, l’ascension a lieu par l’autre face, du côté regardant la Méditerranée, en traversant le village de Cazevieille, bâti sur un petit plateau du causse. J’aurais voulu gravir la montagne, mais la chaleur est forte et les horizons manquent de netteté, des vapeurs grisâtres estompent les lignes de ce paysage. d’ordinaire si nettes. Je renonce donc à « faire le St-Loup. comme disent les alpinistes, à monter par le chemin de la Dévotion que suivent les habitants du pays de Londres le jour de la fête de St-Joseph pour aller faire leurs prières à l’ermitage et contempler un des plus grands paysages de la France entière. Par les beaux temps,on découvre de là-haut tout le rivage méditerranéen, depuis les Alpes Maritimes jusqu’au Canigou et même aux monts de Catalogne. Les garrigues, aplanies en apparence, déroulent leur nappe de broussailles ternes; plus loin, jusqu’à la mer, c’est la verdure du vignoble enchâssant les villages, les bourgs, les villes, les coteaux revêtus d’oliviers.

La montagne est un observatoire trop superbe, elle offre de trop grandes facilités de défense pour ne pas avoir été occupée de bonne heure par des ouvrages de fortification. Au-dessus de Cazevieille, se dresse une ancienne tour à la pointe orientale, dominant Saint Mathieu de Tréviers, le château de Montferrand offre encore de beaux débris, d’un grand effet dans le paysage. Par son isolement, le pic St-Loup parait bien plus élevé qu’il ne l’est réellement, sa cime atteint seulement 633m au-dessus de la mer, mais cela représente 400 au-dessus de la base. Aussi la montagne produit-elle une forte impression, surtout lorsqu’on la voit de profil sous son aspect de pic ou de corne aiguë. Elle écrase sa voisine, la montagne d’Hortus, cependant haute et escarpée, dominant de ses 512m le bassin de Valflaunès et les plateaux boisés de chênes verts qui se rattachent au causse de Pompignan.

Le pic de Saint-Loup est le roi incontesté des garrigues. Cette contrée sèche, si triste quand on la parcourt, d’une beauté classique et sereine lorsqu’on contemple de loin ses coteaux et ses roches aux lignes si nettes sur l’impeccable azur du ciel, doit de la majesté à cette masse rocheuse surgie dans une des convulsions géologiques dont cette partie du Languedoc fut le théâtre et que des traces de volcans au bord du Lez et de l’Hérault affirment encore. Par sa hardiesse, il est d’un effet plus grand que celui du Ventoux au-dessus des plaines du Comtat du Bas-Dauphiné et de la Provence. Si la température torride de la région des garrigues n’était un obstacle à l’ascension, ce belvédère serait autrement fréquenté et autrement fameux. Mais, en dehors des belles journées d’hiver et d’automne, la montée et même la descente du chemin de la Dévotion doivent donner quelque idée du purgatoire. Ce sentier de chèvres entre les broussailles de chênes verts est exposé en plein aux rayons du Midi. J’ai éprouvé trop souvent déjà l’ardeur de ce soleil dans les garrigues pour tenter une telle escalade à la fin de mai.”

Image d’illustration : Alexandre Eugène Castelnau, Les garrigues du Pic Saint-Loup, Huile sur toile, 1859, collections du Musée Fabre, numéro d’inventaire 895.1.2. Don de la famille Castelnau en 1894.

Après des études en science politique et en géographie et histoire de l'urbanisme, Fabrice Bertrand, né à Montpellier, anime depuis 2016 le groupe Facebook "Montpellier Histoire et Patrimoine" qui compte près de 30.000 membres. Il est aujourd'hui en charge de plusieurs projets, qui visent à mettre en valeur le patrimoine scientifique et intellectuel montpelliérain.

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