Le château d’Alco, la folie du Conseil Départemental

Situé à seulement trois kilomètres de la place de la Comédie, le château d’Alco compte au nombre des folies montpelliéraines, de ces maisons des champs qui forment une parure d’exception à la ville de Montpellier. Edifié dans la première moitié du XVIIIe siècle, ce château est un heureux témoignage de l’élégance de l’architecture locale et du mode de vie de la puissante société de magistrats qui évoluaient dans les diverses administrations de cette puissante ville qui fut la capitale politique de la province de Languedoc.

Le domaine d’Alco, après avoir été la propriété de grandes personnalités du monde économique et politique, est progressivement sorti de la mémoire collective durant le XIXe siècle et une grande partie du XXe siècle. Ce n’est qu’en 1980, avec son achat par le Conseil général du département de l’Hérault, qu’il retrouve son renom passé.

De siècle en siècle, de génération en génération, le domaine a su évoluer et s’adapter aux différents contextes historiques, ce qui lui confère aujourd’hui un caractère unique et une valeur patrimoniale inestimable. C’est ce que nous invitons à découvrir.

Histoires de propriétaires

Plan de Cassini avec chateau dAlco
Carte de Cassini, planche “Montpellier” avec mention sur la partie supérieure gauche du château d’Alco, vers 1770

L’histoire du Domaine d’Alco commence en 1699, lorsque la terre et la métairie d’Alco sont intégrées au patrimoine de la puissante famille Bonnier, à l’occasion du mariage d’Antoine Bonnier avec Charlotte de Comte, fille du seigneur de la Colombière. A cette époque, la terre d’Alco n’était qu’une dépendance de cette vaste seigneurie, qui recouvrait également la terre de Malbosc, et quelques autres exploitations agricoles.

Cette famille Bonnier, influente dans la région montpelliéraine, a laissé une empreinte durable sur le domaine, notamment grâce à Antoine-Samuel Bonnier, qui fit construire le château en 1744. Cette dynastie, liée à la Cour des Comptes, Aides et Finances de Montpellier, cousine des richissimes Joseph Bonnier de la Mosson, Trésoriers de la Bourse de la province des Etats de Languedoc, a su enrichir le domaine par son prestige, son influence, et son savoir-faire. Les Bonnier d’Alco, en tant que membres éminents de la société montpelliéraine, ont fait de ce lieu un représentation de leur statut social, contribuant ainsi à leur splendeur et à leur rayonnement.

Chateau dAlco Antoine Samuel Bonnier
Antoine Samuel Bonnier d’Alco (1750-1799)
Fils du commanditaire du château d’Alco, président à la Cour des comptes, aides et finances, de Montpellier, chef du bureau diplomatique du Directoire, ministre plénipotentiaire, député de l’Hérault (1791-1795)
Source : Collection Fabrice Bertrand

Le château passa ensuite entre les mains de plusieurs familles importantes, telles que les Venel et Combal, avant d’être acquis par Maurice Chassant en 1910. Chaque propriétaire successif a apporté des modifications qui ont contribué à façonner l’identité du domaine tout en préservant le reflet de l’histoire dont il était chargé.

Au fil des décennies, le domaine a été témoin de nombreux événements historiques qui ont marqué la région. Les transformations du domaine ont suivi les évolutions sociales, économiques et culturelles de Montpellier, et chaque période a laissé une empreinte distincte sur son architecture et son vaste parc.

Chateau dAlco 1 2
Le château d’Alco, vers 1930 – Source : Leenhardt Albert, Quelques belles résidences des environs de Montpellier

L’Architecture et les Jardins du Domaine d’Alco

Le Domaine d’Alco se distingue par son architecture classique et ses jardins en terrasses qui en font un lieu d’exception. Le château, identifiable par sa teinte jaune ocre aux reflets rosés et ses tuiles vieillies par les siècles, présente une façade ornée de décorations subtiles, notamment un fronton sculpté représentant une déesse cueillant des fleurs.

Ces éléments rappellent l’élégance de l’architecture montpelliéraine du XVIIIe siècle, qui allie, comme on peut le voir sur de nombreux autres édifices, sobriété et raffinement. Le château, avec ses lignes épurées et ses proportions harmonieuses, est un exemple typique de l’architecture résidentielle de cette époque, témoignant du goût pour les constructions classiques, à la fois fonctionnelles et esthétiques.

Les jardins du domaine sont organisés sur trois terrasses successives, offrant une vue imprenable sur les alentours. Chaque terrasse a son propre caractère et contribue à créer une atmosphère de calme et de sérénité. Le premier niveau, marqué par des allées symétriques et des bassins, est dominé par une fontaine en forme de dauphin, qui ajoute une touche de poésie et de fraîcheur au lieu.

Plus bas, l’hémicycle qui clôt l’allée centrale est encadré par des pins d’Alep et des cyprès, apportant une ombre bienvenue lors des chaudes journées d’été. Ces jardins, bien que sobres, incarnent la beauté méditerranéenne, avec leurs bassins aux margelles soigneusement taillées et leurs bancs de pierre offrant des espaces de repos et de contemplation. On y retrouve une grande variété d’essences végétales typiques de la région, telles que des oliviers, des lauriers, et des plantes aromatiques qui embaument l’air et participent au charme des lieux.

Chateau dAlco parc 1
Vue sur le château d’Alco depuis le parc
Source : Leenhardt Albert, Quelques belles résidences des environs de Montpellier

Les jardins ne sont pas seulement des espaces de promenade. Ils sont aussi des témoignages du rapport particulier que les propriétaires montpelliérains entretenaient avec la nature. Aménagés de manière à refléter une symétrie et un ordre typiques des jardins à la française, ils sont également le reflet d’une volonté de domestiquer la nature, tout en s’en inspirant. Chaque élément, des allées aux fontaines, est pensé pour offrir une vision esthétique et harmonieuse, permettant aux visiteurs de s’immerger dans un univers où la nature est sublimée par l’art du jardinage.

Le Réaménagement par le Conseil Général

En 1980, le Conseil général de l’Hérault fait l’acquisition du Domaine d’Alco. Il engage un important projet de restauration et d’aménagement de ce vaste ensemble entre 1985 et 1989. Ce projet inclut la rénovation du château, la restauration des jardins, ainsi que la construction de l’Hôtel du Département face au bâtiment historique.

En 1981, un concours d’architecture est lancé pour mettre en oeuvre l’aménagement du site. De nombreux architectes y soumissionnent. Mais c’est le cabinet montpelliérain “Architectes Urbanistes Associés” (AUA) qui est sélectionné. Il associe plusieurs grands noms de l’architecture locale : Pierre Tourre, Robert Crouzet et Jean-Louis Michel, auteurs de nombreux projets assez remarquables.

Le programme propose de préserver ce patrimoine exceptionnel tout en l’intégrant dans la vie administrative du département. Il doit également permettre de mettre en place une présence emblématique forte.

Le nouvel édifice du Département, qui a été inauguré en janvier 1988 par le président François Mitterrand, s’inscrit dans un courant que l’on peut qualifier de post-moderne évoquant l’esprit des puissantes forteresses méridionales. Ses parois soigneusement travaillées de façon angulaire et ses larges ouvertures, notamment les portes d’accès, rappellent la silhouette d’une enceinte défensive, tandis que l’emploi d’un béton ornemental clair confère aux façades un raffinement rappelant la teinte de certains hôtels particuliers de Montpellier.

Conseil general de lHerault
Le Conseil Départemental de l’Hérault, domaine d’Alco
Source : Wikipedia

Le déploiement de plans d’eau au pied des murs, à l’image de douves revisitées, consolide la sensation d’enceinte protectrice propre à une fortification contemporaine. Au cœur de la structure, un vaste atrium vitré domine l’escalier qui relie les différentes zones administratives. Enfin, de généreuses terrasses et des patios agrémentés de végétation favorisent l’apport de lumière naturelle tout en assurant fraîcheur et bien-être au sein des espaces de travail.

On peut convenir que le Conseil général, dans ce programme a fait preuve d’un grand engagement dans la préservation de ce site, en respectant son histoire et en mettant en valeur ses caractéristiques architecturales et paysagères, tout en répondant à la servitude liée à la hauteur des terrasses du Peyrou.

Aujourd’hui, le Domaine d’Alco est non seulement un témoin de l’histoire locale, mais également un lieu vivant où s’incarne la mémoire du département. Le réaménagement des jardins a également permis de redonner vie aux espaces extérieurs, qui sont aujourd’hui ouverts à tous et offrent un cadre idéal pour se promener, se détendre ou en apprendre davantage sur l’histoire de la région.

Bibliographie :

Collectif, Châteaux et belles demeures des environs de Montpellier, bulletin du syndicat d’initiative no 47, ville de Montpellier 1975.

Leenhardt Albert, « Alco », dans Quelques belles résidences des environs de Montpellier, Montpellier, Causse, Graille et Castelnau, 1931

Après des études en science politique et en géographie et histoire de l'urbanisme, Fabrice Bertrand, né à Montpellier, anime depuis 2016 le groupe Facebook "Montpellier Histoire et Patrimoine" qui compte près de 30.000 membres. Il est aujourd'hui en charge de plusieurs projets, qui visent à mettre en valeur le patrimoine scientifique et intellectuel montpelliérain.

2 commentaires

Laissez votre commentaire

Review Your Cart
0
Add Coupon Code
Subtotal
Total Installment Payments
Bundle Discount