La crèche de la Garriga : le peuple languedocien en santons

La crèche de la Garriga, élaborée par l’association du même nom, est devenue, année après année, depuis 2001, une institution de Noël à Montpellier. Avec ses quarante mètres carrés, elle occupe la dernière travée de la prestigieuse salle Pétrarque, située au rez-de-chaussée de l’hôtel de Varennes. Sous ces voûtes médiévales, près de 300 santons invitent les visiteurs à un voyage dans le temps, celui du XIXᵉ siècle, lorsque, dans un Languedoc alors prospère, l’on chantait, dansait et travaillait la terre avec joie et solidarité.

Montpellier Creche de la Garriga Vue generale
Crèche de la Garriga – Vue générale
(© F. Bertrand, 2024)

Une crèche pour revivre le XIXᵉ siècle languedocien

L’âme de la crèche de la Garriga réside dans sa volonté de faire renaître, le plus fidèlement possible, un village languedocien du XIXᵉ siècle. Quand on s’en approche, après avoir descendu les quelques marches qui donnent accès à cette salle exceptionnelle, on est aussitôt charmé par l’atmosphère douce et chaleureuse que dégagent les santons, façonnés avec soin dans la terre cuite. Loin de l’image figée et sévère que l’on pourrait associer à certains décors historiques, ces personnages sont rieurs et animés : on les croirait en pleine discussion, prêts à esquisser un pas de danse ou à échanger de vifs propos sur le marché du village.

Le Languedoc d’autrefois reprend vie à travers les métiers traditionnels : couturières, restaurateurs de matelas en laine, vendeurs de fruits et légumes, rémouleurs ambulants et tant d’autres. On devine la prospérité d’une région riche de ses vignes, de ses oliviers et de ses moutons, et l’on sent souffler un vent de quiétude qui parcourt toute la crèche.

Montpellier Creche de la Garriga Marchande de legumes
La marchande de légumes
(© F. Bertrand, 2024)

Les notabilités locales sortant de leurs riches demeures semblent fières de leur rôle, tandis que la foule se rassemble pour discuter des derniers potins. La mise en scène, minutieuse et colorée, réveille un esprit de village que la modernité a parfois tendance à effacer.

Danses, musiques et réjouissances : le cœur battant de la crèche

Ce qui fascine particulièrement dans cette crèche de la Garriga, c’est la place accordée à la fête et à la danse. Les santons prennent part aux fameuses danses régionales, telles que les treilles, le soufflet, ou encore la danse du chevalet, célébrant avec une fougue toute méridionale la naissance du roi Jacques d’Aragon à Montpellier en 1208. À travers un ingénieux mécanisme réalisé à partir d’un plateau-tournant de micro-ondes, on peut apercevoir les grisettes, femmes de Montpellier, faisant la farandole, revêtues de costumes aux teintes vives. La légende veut que ces petites mains expertes aient récupéré les chutes de tissus des grandes bourgeoises montpelliéraines pour se confectionner leurs robes, témoignant ainsi d’un talent certain, entre débrouillardise et créativité.

Autour de la place du village, des joueurs de tambourins s’affrontent dans ce sport traditionnel qu’ils partagent avec la péninsule italienne, tandis que d’autres préfèrent la pétanque, activité emblématique du sud de la France. Les rires fusent, la bonne humeur est contagieuse, et l’on se plaît à imaginer ces soirées d’été animées au rythme des parties endiablées et de la musique locale.

Montpellier Creche de la Garriga Joueurs de tambourin
Les joueurs de tambourins
(© F. Bertrand, 2024)
Montpellier Creche de la Garriga Joutes de Palavas
Joutes à Palavas
(© F. Bertrand, 2024)

Plus loin, les santons incarnant des personnages historiques de la région, tels que le peintre Frédéric Bazille, Gustave Courbet ou encore l’immense Georges Brassens, renforcent le caractère profondément attaché à la mémoire vivante du territoire. C’est tout un passé artistique qui se déploie avec bonhomie sous les yeux du visiteur.

Montpellier Creche de la Garriga Frederic Bazille
Frédéric Bazille présentant “la vie de village” à un public qui semble au final assez peu intéressé. Né au sein de la haute société protestante montpelliéraine, il a été un des talents parmi les plus précoces du mouvement impressionniste. Dans le domaine familial de Méric, il produisit plusieurs toiles, notamment cette vue de village qui compte parmi ses oeuvres les plus célèbres. Il ne put exprimer pleinement son talent car en 1870, il tombe, blessé par les balles ennemies. Il avait 29 ans et une carrière prometteuse devant lui.
(© F. Bertrand, 2024)

Du Canal du Midi à la circulade

Au-delà des personnages, la crèche de la Garriga propose un voyage architectural à travers la région : l’on reconnaît aisément le moulin de Lafous, les tours ruinées de castellas médiévaux et l’église d’Aleyrac, joyau roman de l’Hérault. Depuis cette année, le Canal du Midi s’invite même à la fête, accompagné de ses écluses et de sa péniche qui s’en va rejoindre les étangs avant de parvenir à Palavas, où des jouteurs rivalisent d’adresse sur leurs barques colorées. Les constructions forment une véritable « circulade », typique de nombreux villages languedociens construits en cercle autour d’une église ou d’un château fort, ici les deux.

Dans ce petit théâtre de santons, des figures locales émergent çà et là, telles Farinette avec carton à dessin sous le bras ou Blanchette, reconnaissable au bleu de sa tenue militaire, un héros d’origine martiniquaise qui sauva de nombreux montpelliérains pendant la crue de 1933 et qui fut emporté par celles de 1955.

C’est grâce à ces petites références historiques que la crèche de la Garriga est réellement le reflet de la culture languedocienne et plus encore celui de la culture de la région de Montpellier, un véritable microcosme où s’entrecroisent histoire, traditions, arts et légendes et qu’elle mérite d’être découverte chaque année.

Montpellier Creche de la Garriga Blanchette
Blanchette (© F. Bertrand, 2024)
Montpellier Creche de la Garriga Farinette
Farinette… Cette montpelliéraine, dans les années 1960/1970 comptait parmi les célébrités locales. Elle parcourait les rues de la ville avec un grand carton à dessin et aimait croquer des scènes de vie. Elle avait hérité de ce surnom car elle était “farinée” avec la poudre de riz.
(© F. Bertrand, 2024)

Visible chaque jour jusqu’au 3 janvier, de 14 h 30 à 18 h (sauf le 1ᵉʳ janvier à partir de 15 h), elle est accessible gratuitement et promet de ravir petits et grands.

À visiter sans hésiter pour qui souhaite se laisser emporter par la magie de Noël et l’authenticité de nos traditions méridionales.

Pour aller plus loin, bibliographie et liens

Site de l’association “La Garriga

Après des études en science politique et en géographie et histoire de l'urbanisme, Fabrice Bertrand, né à Montpellier, anime depuis 2016 le groupe Facebook "Montpellier Histoire et Patrimoine" qui compte près de 30.000 membres. Il est aujourd'hui en charge de plusieurs projets, qui visent à mettre en valeur le patrimoine scientifique et intellectuel montpelliérain.

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