La bouillabaisse palavasienne

La bouillabaisse palavasienne… En voilà une expression qui en choquera plus d’un de l’autre côté du Rhône, dans cette Provence, soeur du Languedoc, qui a fait sienne cette savoureuse préparation à base de poissons de roche, permettant d’utiliser tout ce que l’on était parvenu à pêcher, même les poissons les moins élégants, du moins ceux qui n’avaient droit de séance sur les tables des bourgeois.

Lorsque j’écris ces mots en les associant, j’entends déjà les clameurs s’élever depuis le Vieux Port de Marseille. Mais il ne faut pas croire que les pêcheurs de Palavas ne savaient pas eux aussi mettre à profit ces poissons farcis d’arêtes, aux nageoires acérées. En cela, ils étaient tout autant intelligents que leurs confrères à l’accent provençal.

N’en déplaise à nos amis provençaux, ici en Languedoc et plus encore à Palavas, du moins à Ballestras, depuis au moins le milieu du XVIIIème siècle, et peut-être même avant, on mangeait de façon ancestrale d’excellentes bouillabaisses dont voici une recette donnée par un pêcheur directement sur le port, et qui fut publiée en 1917, dans l’ouvrage, “l’alimentation moderne et les industries annexes”… 

Alors pour commencer – on va écouter le pêcheur – il vous faudra d’abord réunir “langouste, rascasse, loup, dorade, poisson de rocher, etc., au besoin, moules et écrevisses. Ca y est j’entends les puristes déjà lever le carton jaune, voire rouge. Des moules et des écrevisses ! Quelles fantaisies ! Et des langoustes en plus ! Vraiment n’importe quoi. Mais rappelons-nous qu’il s’agit d’un journaliste de Paris qui travaillait pour un journal “l’alimentation moderne”. On dira qu’il n’avait pas compris l’accent du pêcheur palavasien… Alors continuons…

Pour cinq personnes employer deux livres de poisson sans compter la langouste.

Dans un bon demi-verre d’huile d’olives faire revenir légèrement deux oignons hachés. gousses d’ail, bouquet garni et peau d’orange.

Quand l’oignon commence à prendre couleur, ajouter une grosse tomate pelée et coupée. Quand le tout arrive à former une sauce homogène ajouter un verre d’eau et laisser bouillir. Jeter alors une langouste coupée vive en morceaux au moment mème, saler, poivrer et laisser cuire cinq minutes.

Disposer de suite le poisson coupé en morceaux et bien tassé en ajoutant juste assez d’eau pour qu’en bouillant très fort le bouillon couvre le tout.

Ajouter, si on le désire, moules et écrevisses.

Quand le tout va être cuit (environ 15 minutes), jèter dans le bouillon une bonne pincée de safran dissoute dans deux cuillerées du bouillon.

Le bouillon sera servi à part; versé sur des croutons de pain frits dans l’huile.”

Bon d’accord, vous me direz, 1917, ce n’est pas très vieux, mais ce terme de bouillabaisse se retrouve dans de nombreux écrits dès le XIXème siècle et nombreux étaient les restaurants qui, tant à Montpellier, que dans sa station balnéaire, se vantaient d’être les meilleurs endroits où déguster cette excellente préparation culinaire. Par exemple, le restaurant du Colombier, situé au pied de la Tour de la Babotte, était connu pour sa bouillabaisse. Le propriétaire du lieu, bien connu des montpelliérains, et idéalement situé dans la voisinage de la gare et des Halles Laissac n’hésitait pas à l’afficher sur ses murs.

Dans l’éclair du 31 juillet 1890, l’établissement de bains Dabjat faisait même la publicité de sa célèbre bouillabaisse. Même le grand hôtel de Palavas, un des réputés établissements de la cité côtière mettait en exergue sa bouillabaisse. Celle-ci, agrémentée de langoustes, était particulièrement appréciée par les meilleurs appétits languedociens.

Alors bon appétit à vous, et à bientôt… demain matin. Je vous parlerai de la vraie et authentique bouillabaisse palavasienne dont j’ai retrouvé une recette du tout début du XIXème siècle. Vous verres qu’elle n’a pas grand chose à voir avec celle que l’on connaît aujourd’hui.

Après des études en science politique et en géographie et histoire de l'urbanisme, Fabrice Bertrand, né à Montpellier, anime depuis 2016 le groupe Facebook "Montpellier Histoire et Patrimoine" qui compte près de 30.000 membres. Il est aujourd'hui en charge de plusieurs projets, qui visent à mettre en valeur le patrimoine scientifique et intellectuel montpelliérain.

Laissez le premier commentaire

Review Your Cart
0
Add Coupon Code
Subtotal
Total Installment Payments
Bundle Discount