Situé à l’angle des rues Girone et Fournarié à Montpellier, l’hôtel de Solas constitue l’un des plus remarquables témoignages de l’architecture civile montpelliéraine du XVIIe siècle. Inscrit au titre des Monuments Historiques depuis le 9 septembre 1965, cet édifice prestigieux se distingue par ses caractéristiques architecturales exceptionnelles mais aussi par l’importance de ses propriétaires successifs.
C’est à la découverte de ce surprenant hôtel particulier que nous convions aujourd’hui. Nous vous en souhaitons une belle visite.
Un remarquable patrimoine architectural montpelliérain
L’hôtel de Solas, datant de la fin du règne de Louis XIII ou du tout début de celui de Louis XIV, se signale au visiteur et au badaud qui emprunte la rue Fournarié, par sa porte maniériste magistrale aménagée dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Cette porte s’inspire de modèles italiens plus anciens pouvant être datés des années 1620.
Sa façade de la même époque, remaniée par la suite, notamment par l’adjonction d’un étage supplémentaire, mais aussi par la modification d’ouvertures et la création d’élégants garde-corps en fer forgé dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, présente un intérêt tout particulier.

© Fabrice Bertrand, 2017

© Ministère de la Culture (France), Médiathèque du patrimoine et de la photographie – Donation Marcel Bovis en 1991
Cette entrée monumentale se compose d’un grand portail à bossages, accosté de pilastres et surmonté d’un puissant fronton en arc segmentaire. Le “tabernacle”, c’est ainsi qu’est dénommé dans le vocabulaire architectural, cette partie qui rompt le fronton, accueille une baie carrée grillagée, elle-même couronnée d’un fronton triangulaire terminé par une boule.

© Brigitte Legeay, 2017
Les gargouilles d’angle, porteuses des blasons des propriétaires, témoignent de cette même période de construction et participent à la richesse ornementale de l’édifice. On peut en rencontrer dans d’autres édifices de Montpellier, à l’hôtel de Griffy également.
La menuiserie du portail d’entrée, divisée en trois vantaux ornés de cabochons métalliques, illustre le raffinement des artisans de l’époque.
Mais une fois la porte franchie, c’est l’étonnement. Du moins c’est cet étonnement qui avait saisi l’intégralité des participants d’une visite que nous avions organisée avec Loïc Vannson en 2017 et pour laquelle nous avions obtenu le droit de pénétrer dans le vestibule.
L’intérieur de l’hôtel révèle des aménagements du XIXe siècle de grande qualité, notamment un vestibule orné de caissons en gypseries réalisé en 1872.

© Chantal Savenier, 2017

© Chantal Savenier, 2017
A sa suite, se déploie un escalier très élégant, doté d’une remarquable grille de ferronnerie de la même période, qui a remplacé un ancien escalier à vis. Ce changement témoigne de l’évolution des goûts et des usages au fil des siècles.

© Chantal Savenier, 2017
La famille de Solas : Une dynastie au service de Montpellier
L’histoire de l’hôtel est intimement liée à la famille du même nom, qui en fit l’acquisition en 1553 lorsqu’Arnaud de Solas acheta la propriété à la famille Guilhem, une dynastie de négociants enrichie dans l’activité textile. Cette transaction marque le début d’une période faste pour l’édifice, qui va devenir la résidence d’une des familles les plus influentes de Montpellier.
Jean de Solas, président aux Aydes, hérite de l’hôtel en 1600 de son père, docteur régent de l’Université de droit. Cette transmission illustre l’ascension sociale de la famille, qui occupe des positions importantes dans l’administration judiciaire de la ville. Son fils, Pierre de Solas, avocat général aux Comptes, poursuit cette tradition familiale.
La figure majeure de cette lignée est sans conteste Jean-François de Solas, président à la Cour des Comptes Aides et Finances. Son œuvre principale fut la création du canal du Lez, un projet d’envergure pour lequel il obtint en 1675 une concession royale. Cette réalisation, comparable au point de vue technique, au canal royal du Midi, témoigne de l’ambition et de l’influence de la famille dans le développement économique régional. Ce fut certainement ce puissant personnage qui fut à l’origine des remaniements de l’hôtel et de la porte d’entrée.
Des propriétaires prestigieux : De Grave, Bonnier et Valéry
En 1684, Diane de Solas, fille de Jean-François, apporte l’hôtel en dot lors de son mariage avec Philippe de Grave, marquis de Villefargeaux. La famille de Grave, ancienne et respectée dans la région, poursuit les travaux du canal, désormais connu sous le nom de canal de Grave.
Les difficultés financières liées à la construction du canal conduisent à la vente de l’hôtel en 1694 à Louis-Hercule de Solas, qui le cède à son tour en 1731 à Antoine Bonnier, seigneur d’Alco et constructeur du château qui accueille aujourd’hui le Conseil Général. La famille Bonnier, issue du négoce textile, comme les premiers propriétaires Guilhem, apporte sa marque à l’édifice.
Antoine-Samuel Bonnier, figure importante de l’administration régionale et ministre plénipotentiaire de la République, transforme une partie des jardins pour y construire un nouvel hôtel. Cet hôtel est connu sous le nom d’hôtel d’Uston de Villereglan.

Au XIXe siècle, l’hôtel connaît plusieurs propriétaires successifs, dont la famille Farjon, avant d’être acquis en 1908 par Jules Toussaint Louis Solon Valéry, doyen honoraire de la Faculté de droit, frère du célèbre Paul Valéry qui y résida quelques années.
L’hôtel de Solas a également accueilli au fil des siècles des personnalités illustres, notamment le cardinal Mazarin et le duc de Verneuil, fils naturel d’Henri IV, gouverneur de la province de Languedoc, témoignant de son rôle central dans la vie mondaine et politique montpelliéraine. La présence d’une plaque de marbre portant l’inscription “domus inclyta regum MVCLX” (maison illustre des rois, 1660) rappelle ces visites prestigieuses, bien que l’origine exacte de cette plaque reste débattue. Il semblerait qu’elle provienne de l’hôtel Nevet, un ancien hôtel pour voyageurs particulièrement reconnu, situé sur la place de la Comédie, avant sa démolition dans les années 1890.

© Chantal Savenier, 2017
Aujourd’hui, l’hôtel de Solas demeure un témoin exceptionnel de l’histoire architecturale et sociale de Montpellier, illustrant à travers ses différents propriétaires l’évolution de la société montpelliéraine du XVIe au XXe siècle. Nous espérons que vous avez apprécié cette découverte, qui vous poussera à aller découvrir cet exceptionnel hôtel de Solas au détour d’une de vos balades en centre-ville.
Bibliographie et liens :
Base POP du ministère de la culture : Fiche Hôtel de Solas
Blog “Lescarnetsdemontpellier” : article château d’Alco