C’était donc un 14 juillet, mais un 14 juillet vieux de 136 ans – puisque le texte que je vous partage aujourd’hui décrit ce qui se passa à Montpellier le 14 juillet 1889, le jour de la célébration de la Fête Nationale.
Pour vous donner un peu de contexte, c’est par la loi du 6 juin 1880 que le 14 juillet est devenu le jour de la Fête nationale française.
Le choix de cette date ne fut pas simple. Les représentants du peuple avaient hésité. Certains souhaitaient rappeler l’ouverture des Etats Généraux le 5 mai 1789, d’autres optaient le 4 août pour l’abolition des privilèges, ou encore pour le 24 février afin de commémorer la révolution de 1848 qui avait vu le triomphe de la République.
La date du 14 juillet fut retenue car elle permettait de réunir en une même célébration la prise de la Bastille, l’insurrection populaire des parisiens et la fête de la Fédération qui avait eu le 14 juillet 1790 et avait réuni toutes les composantes de la France autour du Roi.
Il s’agissait de trouver une juste synthèse qui permettait à tous les partis, qu’ils soient républicains, royalistes, catholiques ou athées de se retrouver.
Alors voilà, munis de ces quelques informations, munissez de vos lampions et de vos drapeaux tricolores et en route pour prendre à cette belle cérémonie, qui vous est racontée par le journaliste du Petit Méridional :
” Le centième anniversaire de la prise de la Bastille a été fêté dans notre ville avec l’éclat et l’entrain auxquels on est en droit de s’attendre.
Depuis, en effet, la retraite aux flambeaux qui a eu lieu samedi, 13 juillet, jusqu’au bal populaire de l’Esplanade qui n’a pris fin qu’à une heure tardive de l’avant-dernière nuit, non seulement toutes les parties du programme des réjouissances organisées par la municipalité et par le Sou des Ecoles ont été fidèlement remplies, mais encore elles ont été suivies par tous nos concitoyens avec un enthousiasme qui n’avait d’égal que leur dévouement au gouvernement de la République.
L’abondance des matières nous oblige malheureusement à nous éteindre moins que nous ne voudrions sur le compte-rendu des fêtes du Centenaire ; aussi sommes-nous obligés d’en retracer les principales parties du programme.
Dès le 13 juillet, à 21h, deux retraites aux flambeaux avec les musiques militaires du 2e génie et du 122e de lignes se rendaient du Peyrou à l’Esplanade par les itinéraires indiqués, et suivies par une foule considérable ; sur tout le parcours, des flammes de Bengale saluaient au passage nos braves troupiers.
Une heure après, la farandole a dansé sur les boulevards et devant le domicile du maire.
Le 14 juillet, après la distribution à la mairie de 1000 bons pour repas complets aux pauvres de la ville, a eu lieu, dans les allées de l’Esplanade, une grande revue de toutes les troupes de la garnison par Monsieur le général Boisdenemets, commandant un chef le 16e corps d’armée. Il nous suffira, pour montrer combien cette revue a été brillante, de citer textuellement l’ordre du jour de félicitations adressé aux troupes de Monsieur le général en chef :
« Le général en chef témoigne aux officiers et à tous les corps de la garnison son entière satisfaction de la revue qu’il a passée le 14 juillet. La tenue des troupes sous les armes étaient très bonne, les alignements très bien observés ; le défilé a été exécuté dans d’excellentes conditions de régularité et d’allure ».
Les abords de l’Esplanade étaient garnis par une foule des plus nombreuses, accourue pour assister à ce beau spectacle militaire. Dans l’après-midi a eu lieu la cavalcade organisée par la société du Sou des écoles laïques. À part quelques imperfections dans l’ordre de marche, – imperfections qui sont presque inévitables – il faut reconnaître que la cavalcade a obtenu un réel succès. Les chars, qui étaient superbes, ont été, sur le parcours, l’objet d’applaudissements répétés. Il serait réellement trop long de retracer par le menu la composition de ses chars, mais nous nous hâtons de dire qu’ils ont tous fait le plus grand honneur à leurs organisateurs.
Dans l’après-midi, nos concitoyens se sont rendus en foule au musée Fabre, où était exposés les projets primés pour l’érection d’une colonne de la Révolution et au musée du centenaire organisée à l’hôtel Saint-Côme, par les soins d’une commission d’étudiants et d’anciens étudiants républicains.
Il est inutile de dire le succès obtenu par cette exposition contenant des objets et documents aussi instructifs que curieux. On a constaté 700 entrées.
Dans les faubourgs, les fêtes de quartier ont eu lieu comme les années précédentes, bien qu’elles ne fussent pas subventionnées par la mairie. Les divers jeux annoncés avaient réuni de nombreux amateurs. Le soir, illuminations générale des jardins et bâtiments publics ; une mention spéciale est due à la maison d’arrêt qui, bien que se trouvant dans un endroit un peu retiré, a été particulièrement remarquée pour les brillante décoration de sa façade.
Enfin après le feu d’artifice qui a été tiré sur le Champ-de-Mars, la fête du Centenaire a été clôturée par une innovation : un grand bal populaire dans l’allée centrale de l’Esplanade, et à l’entrée de laquelle on lisait l’inscription : « Ici l’on danse ». Ce que l’on a dansé et ri jusqu’à une heure tardive de la nuit. Il n’est, croyons-nous nullement nécessaire de le dire, nos concitoyens – et ils étaient certes nombreux – ont pu s’en assurer eux-mêmes de visu.”
Illustration : La rue Montorgueil, fête du 30 juin 1878, pour la « paix et le travail » et de la clôture de l’Exposition universelle de Paris, peint par Claude Monet, collection du Musée d’Orsay
