En octobre 1861, un prénommé Bélisaire, dont on préfère taire le nom tant il est encore connu à Montpellier, a dû se présenter à la barre des accusés du tribunal de Montpellier
Il était accusé, mais accusé de quoi ?
Notre sieur Bélisaire, était un homme de taille moyenne, qui avait une trentaine d’années et qui présentait plutôt bien de sa personne. Il affichait avec ostentation une superbe moustache blonde relevée en croc, un pantalon à la dernière mode que l’on disait à la Hussarde, et une taille cambrée qui aurait pu faire de lui un bourgeois si on l’avait croisé autre part que dans ce tribunal. De plus, son col était paré d’une cravate blanche, superbement brodée et nouée artistement.
Le président du tribunal débita, sans sourciller, les griefs qui sont reprochés au sieur Bélisaire : l’exercice illégal de la médecine et l’utilisation de sigles visant à induire ses patients dans la méprise.
Bélisaire ne méconnut pas le délit qui lui était reproché. Il s’en fait même gloire et tonne devant le public venu en nombre : “Monsieur le président, messieurs les membres du jury, messieurs de l’assitance, je ne nie pas le fait, je le reconnais… Mais j’ai la capacité… J’ai travaillé toute ma vie… J’ai étudié à Paris, à Amiens, à Rouen ; j’ai étudié les sciences littéraires, scolastiques, médicinales, chirurgicales, chimiques, botaniques… ; j’ai visité un grand nombre d’établissements publics… je les ai quittés, soit que je m’en allasse, soit qu’on m’en priât… j’ai vu des malades, j’ai l’expérience…”
“Oui, certes, tout comme moi, ou nombre d’entre nous” s’amusait un peu fort un spectateur dans le public. “J’ai soigné ma belle-mère hier soir, et était voir mon cousin à l’hôpital il y a quelques jours” dit un autre. La réponse laissait tout le monde sceptique.
Le président fit alors observer au sieur Bélisaire “qu’il n’a pas de diplôme de docteur en médecine, que cependant on a trouvé chez les pharmaciens des ordonnances portant votre signature et, au-dessous, ces trois lettres D.M.P., qui dans l’usage de la faculté de la faculté de Paris sont l’abrégé des mots Doctor Médicus Parisiensis.”
La nouvelle attaque du président ne décontenança pas le prévenu, qui d’un ton emphatique répondit : “Monsieur le président, je ne suis ni assez sot, ni assez présomptueux pour prendre une qualité qui ne m’appartient pas… Il est vrai que les sommités de la science mettent ainsi après leur nom ces trois lettres : D.M.P. qui dans le langage de la science se traduisent par ces mots, Doctor Medicus Parisiensis; mais remarquez que je ne mets pas comme eux D.M.P., il y a une grande différence, je signe M.D.P., ce qui, pour le monde veut dire Médecin, Dentiste, Pédicure et la preuve, c’est que jamais un docteur n’indiquera sa qualité par ces trois lettres ainsi disposées : M.D.P.”
Son explication ne parvint pas à lever les suspicions du jury. D’ailleurs, le sieur Bélisaire avait reconnu les faits qui lui étaient reprochés. Il fut condamné à 100 francs au profit des hospices. Et en partant, libre, il rappela à un de ses patients qui était présent dans la salle qu’il ne pourrait pas honorer son rendez-vous du lendemain. Il s’en excusa… On peut dire que ce pauvre hère eut de la chance, il devait subir, dès 8 heures du matin, un nettoyage d’un abcès dentaire.