Saint-Roch dans l’histoire de l’Art

Il y a quelques semaines, avec Loïc Vannson nous avons eu la chance de découvrir, abandonné sur un stand de puces dans l’arrière-pays cévenol un ouvrage plutôt rare, écrit par Augustin Fliche en 1930. Nous avons pensé qu’il serait intéressant de le partager avec les personnes qui nous suivent sur ce blog. Ce livre propose en effet une étude de l’iconographie de Saint-Roch, de ce saint montpelliérain dont le culte est devenu quasi universel. Il propose une étude assez fouillée sur les diverses représentations de Saint-Roch dans les nombreux tableaux, gravures ou sculptures.

Fliche Augustin, 1930 .- Saint-Roch .- Edité par Henri Laurens, éditeur à Paris, 1930 (Collection “L’Art et les Saints”)

Saint Roch par Augustin Fiche Couverture

Peu de saints ont été aussi populaires que Saint-Roch. Depuis le xv° siècle, chaque fois que la peste ou quelque autre épidémie s’est déchaînée sur la chrétienté occidentale, c’est vers lui que les foules ont fait monter leurs supplications ardentes et angoissées, c’est à lui qu’elles ont pieusement confié les êtres chers, atteints par la contagion meurtrière, avec la conviction que sa puissante intercession réussirait à obtenir du ciel la guérison que la science humaine se dévoilait incapable d’opérer.

Patron des pestiférés, protecteur de tous les foyers où s’est insinuée la maladie, messagère redoutée de la terrible moissonneuse, Saint-Roch apparaît comme le grand thaumaturge dont la miséricordieuse bonté sauve, au prix de miracles sans cesse répétés, les corps tenaillés par la souffrance, tandis que la foi en sa mission providentielle régénère les âmes endurcies par le péché.

Associé d’abord à la Vierge, à Saint-Fabien, plus encore à Saint-Sébastien, ce jeune soldat martyr, percé de flèches sur l’ordre de Dioclétien, qui avait, disait-on, fait cesser la peste à Rome au temps du pape Agathon, il supplante peu à peu ces saints protecteurs que, pendant tout le moyen âge, on avait implorés aux époques de grandes calamités. Plus proche dans le temps, il offrait sur eux l’avantage d’avoir communié aux misères présentes en les endurant lui-même dans son propre corps et le récit, colporté par ses biographes, de ses guérisons miraculeuses était de nature à faire germer les plus consolants espoirs.

De là l’extraordinaire développement de son culte qui a trouvé dans l’art son expression la plus intense et la plus pure. Les œuvres variées qui ont popularisé les traits du saint guérisseur, exalté ses souffrances, immortalisé ses miracles, portent le reflet fidèle des préoccupations d’une société inquiète qui a gardé, du Moyen âge, la foi la plus absolue dans l’intercession des saints, en même temps qu’elles interprètent, sous une forme à la fois pittoresque et émue, la vie de Saint-Roch, telle que l’ont contée les hagiographes.

Sculpteurs et peintres ont en effet, comme il était naturel, cherché l’inspiration dans les biographies de Saint-Roch composées pendant la seconde moitié du XVe siècle à Venise ou ailleurs.

Animés du seul désir d’exciter la piété populaire, ils en ont retenu le sens général, sans se soucier de l’exactitude chronologique ou géographique qui leur importait peu. Aussi n’ont-ils prêté aucune attention aux divergences, d’ailleurs insignifiantes, que les modernes historiens de Saint-Roch, animés parfois d’un patriotisme local un peu étroit, ont relevées et discutées avec plus de passion que d’esprit scientifique. Il n’y a pas lieu de porter ici l’écho de ces controverses, puisque l’art y est resté totalement étranger. Il suffira, en coordonnant, sans même chercher à les critiquer, les diverses sources hagiographiques, de déterminer ce que les imagiers ont pu cueillir dans ces narrations où abondent les scènes touchantes et pathétiques, tout enveloppées de surnaturel et comme embaumées du plus pur parfum de la charité chrétienne.

Saint Roch par Augustin Fiche Musee de Bourgogne

Saint-Roch est né à Montpellier à une date incertaine qui se place entre 1295 et 1350 environ. Il appartenait à une famille noble et vint au monde dans des circonstances où ses biographes aperçoivent déjà la traînée du miracle. L’union de ses parents était demeurée longtemps stérile et les prières qu’ils adressaient à Dieu pour qu’il leur donnât l’héritier ardemment souhaité n’avaient pas été exaucées, lorsqu’un jour celle qui devait être la mère de saint Roch reçut du ciel l’annonce qu’elle allait concevoir. Quelques mois plus tard, l’enfant naquit, portant empreinte au côté droit l’image de la croix : c’était là l’indice d’une vocation de dévouement et de sacrifice, d’un véritable appel de Dieu.

Saint Roch par Augustin Fiche
Saint Roch par Augustin Fiche 1 1

La jeunesse du saint est la préface de sa vie de charité: à l’âge de douze ans, Roch, habitué dès sa plus tendre enfance à la pratique du bien, s’initie à la mortification par des jeûnes précoces.

A quinze ans, il perd son père qui, avant de rendre le dernier soupir, lui recommande de servir le Christ, de se montrer miséricordieux envers les pauvres, de multiplier les aumônes, plus encore de fréquenter les hôpitaux et de visiter les malades, « membres de Dieu ». Bientôt sa mère disparaît à son tour. Dès lors, le pieux orphelin, qui avait jusque-là employé son temps à secourir la misère et à venir en aide à ceux qui souffraient, revêt l’habit de pèlerin, quitte sa terre natale et se dirige vers Rome où il veut prier devant le tombeau des apôtres.

On ne connaît pas les premières étapes de cette course bientôt sillonnée de guérisons miraculeuses, et il faut renoncer à suivre la trace de Saint-Roch jusqu’au moment où il arrive au cœur de l’Italie, devant la petite ville d’Acquapendente, étagée sur les flancs de l’Apennin. La malheureuse cité était ravagée par la peste et son hôpital, qu’administrait un certain Vincent, regorgeait de malades.

C’était pour Roch une occasion providentielle d’accomplir dans sa plus extrême rigueur le programme qu’il avait reçu des lèvres de son père moribond. Il pénètre à l’hôpital, et malgré Vincent qui redoutait pour ce beau jeune homme la sinistre contagion, s’approche des pestiférés, les réconforte, les console et les guérit en traçant sur eux le signe de la croix. Bientôt sa renommée de thaumaturge se répand au dehors : toutes les maisons s’ouvrent devant cet envoyé du Seigneur qui, d’un geste, écarte le fléau: Acquapendente renaît à la vie. Saint-Roch, jugeant alors sa mission terminée, va porter ailleurs son dévouement et sa foi qui fait jaillir le miracle.

Non loin d’Acquapendente, Césène, dont la cathédrale conserve encore aujourd’hui sur une fresque le souvenir de Saint-Roch, retentissait des mêmes clameurs angoissées. Les pestiférés y étaient aussi nombreux qu’à Acquapendente. L’homme de Dieu paraît et le mal cède avec une inconcevable rapidité.

Saint Roch par Augustin Fiche Maldura

Quelques mois plus tard, saint Roch parvient à Rome, but et terme de son pèlerinage. Il est conduit chez un cardinal dont le nom a été déformé de diverses façons par les hagiographes, mais qui, au dire de tous, était atteint du terrible mal.

Saint Roch Eglise de Poivres Aube
Saint Roch et le Pape Anvers

Roch marque du signe de la croix le front de ce prince de l’Eglise et aussitôt la convalescence commence.

Le saint reste à Rome trois années pendant lesquelles il se dépense au service des malades. Il étonne tout le monde par sa charité, volontairement inconsciente du danger, et qui se double d’une touchante humilité. Interrogé sur sa famille et sur sa patrie, le jeune seigneur montpelliérain refuse de dire son nom, craignant, s’il était reconnu dans ce milieu romain avec lequel il avait peut-être des attaches, de recevoir les honneurs dus à sa naissance et de ne plus pouvoir se confiner dans l’évangélique pauvreté qu’il avait voulue et acceptée’.

Saint Roch par Montagna Academie des Beaux Arts Venise

La mort du cardinal qu’il avait guéri et avec lequel il s’était lié d’amitié détermina Saint-Roch à quitter la capitale de la chrétienté et à s’en aller exercer ailleurs son activité charitable. Il parcourt la région avoisinante, se rend, d’après l’un de ses biographes, à Novare où il reste deux mois et où, selon son habitude, il se consacre au soin des pestiférés. Il gagne enfin Plaisance où l’épidémie sévissait avec une intensité particulière, mais à peine a-t-il pris contact avec les hôpitaux qu’il ressent lui-même les premières atteintes du mal. Une nuit, tandis qu’il repose, il est averti par un ange qu’il lui faut souffrir à son tour.

Saint Roch Pezenas

Il se lève, se sent frappé à l’aine par un trait acéré, mais, au lieu de se plaindre et de murmurer, il n’a d’autre pensée que de rendre grâce à Dieu. Pourtant si courageux et si résigné qu’il soit, il ne peut réprimer les cris que lui arrache la douleur; afin de ne pas troubler le repos des malades, il quitte l’hôpital où il avait son gîte et se retire au fond d’une vallée sauvage, au milieu d’une forêt où il va, dans son corps crucifié par la maladie, communier d’un cœur ardent aux tortures du calvaire. Cette épreuve ne lui a-t-elle pas été ménagée par la Providence pour rendre plus suaves encore les fruits de sa charité épurée et sanctifiée par la souffrance?

Aussi Roch ne se laisse-t-il pas effleurer par le découragement. Ses biographes rapportent avec complaisance les épisodes, enveloppés d’un charme grandiose, qui marquèrent son séjour dans la forêt. Le saint homme, disent-ils, étendu dans la demeure de branchages qu’il s’était péniblement construite, ne cessait de remercier Dieu et dans son infinie détresse s’en remettait à lui de toutes choses. Et Dieu eut pitié de son serviteur. Il multiplia les miracles en sa faveur : il fit jaillir pour lui une source qui lui permit d’étancher sa soif fébrile et de laver sa plaie; il dirigea vers lui le chien d’un riche seigneur du voisinage, Gothard, si bien que cette bonne bête, guidée par un instinct providentiel, apporta tous les jours au pèlerin abandonné des hommes du pain délicatement recueilli sur la table de son maître. Intrigué par ces allées et venues, Gothard voulut en avoir l’explication; il suivit son chien et ne tarda guère à dépister la retraite où Roch était en proie aux tourments pestilentiels. Il s’approcha de lui, mais le saint, toujours compatissant, le persuada de se retirer, afin qu’il ne fût pas saisi à son tour par la contagion. Gothard s’en retourna donc en sa demeure, mais à peine y était-il rentré qu’il fut saisi par la grâce. Il comprit que l’infortuné gisant, dont la voix lui avait paru d’une douceur angélique, devait être aimé de Dieu pour avoir été miraculeusement découvert et nourri par un chien.

Il eut honte de son égoïsme et regagna la forêt.

Malgré les instances de Roch qui persistait à vouloir l’éloigner, il demeura près du saint auquel il prodigua aide et consolation.

Momentanément impuissant à soulager les corps, Roch allait du moins sauver une âme. Gothard avait jusque-là vécu dans une facile opulence. Le spectacle de la misère résignée et confiante lui révéla les dons de Dieu que l’amour du siècle avait jusque-là dérobés à ses yeux. A l’instar du jeune homme riche de l’Évangile qui interrogeait le Maître sur les voies qui mènent au salut, il sollicita les directions de l’ami vers lequel une volonté mystérieuse l’avait conduit. Et Roch lui conseilla d’abandonner ses biens, de les distribuer aux pauvres, puis de s’en aller par les chemins pour y mendier son pain quotidien. Gothard, quelque peu surpris, hésita un moment, et c’est seulement après d’autres entretiens analogues qu’il prit la décision héroïque de renoncer au monde. Se dépouillant de tout respect humain, il prit résolument le chemin de Plaisance et demanda l’aumône aux amis qui, hier encore, étaient témoins de son luxe désœuvré. Il fut mal accueilli. On ne lui ménagea pas les quolibets, on le tourna en dérision. Et Plaisance fut, pour cet égoïsme sacrilège, trappée de la malédiction divine. L’épidémie de peste reprit avec une recrudescence fatale et attei​​gnit tout d’abord ceux qui avaient accablé Gothard de leurs sarcasmes impies.

Saint Roch par Borgognone Musee brera Milan
Saint Roch et lange par Patinir Pinacotheque de Munich

Roch eut pourtant pitié de ces hommes lâches et pervers. Quoique la convalescence n’eût pas encore commencé pour lui, il se traina à Plaisance et rendit la santé aux malades courbés sous sa bénédiction, puis il revint dans la forêt où, tel François d’Assise, il conversait avec les animaux et les guérissait même s’il était nécessaire.

La Vierge Jesus Saint Roch et Sainte Madeleine par Palma le

Bientôt un ange vint l’avertir que le moment était venu de regagner sa patrie. Il livra à Gothard ses dernières pensées et obéit à l’appel du Seigneur.

Tandis qu’il se dirigeait vers son pays et qu’il traversait une ville que l’un des deux principaux biographes appelle Angleria, il fut appréhendé par des gens d’armes et dénoncé comme espion au seigneur du pays. Celui-ci se trouvait, de l’aveu de toutes les sources, être un de ses oncles, ce qui a plus tard donné naissance à une tradition suivant laquelle Saint-Roch serait venu mourir à Montpellier. Fidèle à la ligne de conduite que lui avait dictée son humilité, le saint ne voulut pas se faire connaître et fut jeté en prison où il resta pendant cinq ans.

C’est alors qu’épuisé par la souffrance, il sent venir la mort. Il sollicite du ciel la venue d’un prêtre. Son désir est immédiatement exaucé. Le prêtre arrive et il est tout surpris de trouver la prison inondée de lumière, tandis que son pénitent resplendit d’une clarté plus lumineuse encore.

Aussi, après avoir rempli son ministère, il se précipite chez le seigneur qui gouvernait la cité et lui fait part du prodige dont il a été le témoin.

D’autre part, le geôlier a vu lui aussi le cachot où agonisait Saint-Roch miraculeusement illuminé et il a entendu des voix célestes qui conversaient avec son prisonnier. Le seigneur accourt, escorté d’une foule de personnes, mais Roch a déjà rendu son âme à Dieu. Auprès de son corps auréolé, une tablette aux caractères d’or révèle son nom et contient un message divin, réponse à une suprême requête du bienheureux, aux termes duquel tous ceux qui invoqueront saint Roch seront affranchis et délivrés de la plaie mortelle de pestilence.

Triomphe de Saint Roch Fresque de Bernardino Luini Eglise Sainte Marie des Anges Lugano

Tel est le merveilleux récit que les hagiographes de la seconde moitié du XVe siècle, brodant sur une source primitive aujourd’hui perdue, ont transmis de la vie de Saint-Roch. Il se condense, on le voit, en quelques épisodes d’une poésie touchante et émue dont le génie du Tintoret a puissamment dégagé le sens chrétien. Toutefois, avant même que la biographie de Saint-Roch n’eût revêtu les formes sous lesquelles elle nous est parvenue, des sculpteurs et des peintres avaient déjà composé la physionomie du grand thaumaturge montpelliérain, objet en plusieurs villes d’un culte dont l’art ne sera à tout moment que la vivante synthèse.

Saint Roch et lange Collection du Cardinal a lEveche de Montpellier
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A quelle date et dans quelle région le culte de Saint-Roch a-t-il pris naissance, c’est là un problème auquel on ne saurait, à l’heure actuelle, apporter de solution certaine. Faut-il ajouter foi à la tradition, consignée en 1478 dans la biographie de Diedo, suivant laquelle le concile de Constance aurait, pour conjurer une épidémie de peste qui avait éclaté dans la ville où il était réuni, prescrit des prières publiques en l’honneur de l’illustre pèlerin dont la protection avait été déjà reconnue efficace? Aucun autre texte ne fait allusion à cet incident. Toutefois il est sûr qu’au moment où se réunit l’assemblée fameuse qui devait mettre fin au grand schisme d’Occident, Saint-Roch était honoré au moins à Montpellier, sa ville natale, et dans la région avoisinante. Dès cette époque, une confrérie, placée sous son patronage, existe à Clermont l’Hérault. A Montpellier même, un acte de 1421 signale une chapelle qui lui est consacrée dans le couvent des Dominicains et un autre acte du xv° siècle, sur lequel M. Oudot de Dainville, archiviste de l’Hérault, a récemment attiré l’attention, fait connaître que le 16 août, jour de la fête de Saint-Roch, les consuls de Montpellier se rendent aux Jacobins, tandis que sonne la cloche de Notre-Dame des Tables.

Ce sont là les plus anciennes mentions connues jusqu’à ce jour du culte de Saint-Roch. Elles ne permettent pas de dire si cette dévotion a une origine montpelliéraine ou si, au contraire, comme le veulent plusieurs historiens, le Languedoc l’a reçue d’Italie, d’Allemagne ou de Flandre. De plus, si l’existence de chapelles et de confréries donne à penser que le culte, au début du xv° siècle, était bien établi dans certains centres, il ne semble pas pourtant qu’à cette date il fût très ancien : les chroniques ne laissent pas entendre que saint Roch ait été invoqué lors des épidémies de peste qui ont sévi à Montpellier à la fin du XIVe siècle.

Saint Roch Saint Sebastien et Saint Jerome par Girolamo Pennacchi de Treviso Venise

Lorsqu’en 1410 le fléau fait de nouveau son apparition, c’est au seul Saint-Sébastien que l’Université décide d’adresser des prières; la dévotion nouvelle, concentrée au couvent des Dominicains. n’avait donc pas encore conquis une place officielle dans la cité qui se flattait d’avoir donné le jour à saint Roch.

Il en est tout autrement un peu plus tard. On a déjà noté que dès le xv° siècle les consuls de Montpellier célébraient la fête de Saint-Roch. La chronique dite Petit Thalamus rapporte qu’en 1505, pendant une épidémie de peste, une procession solennelle se rendit à l’église des Frères Prêcheurs et déposa devant l’autel de saint Roch un gros cierge de cire blanche portant les armes de la ville.

Saint Roch Eglise de Tannieres Aisne

Le geste fut plusieurs fois renouvelé par la suite.

Toutefois, au XVIe siècle, le centre du culte se déplace pour se fixer au couvent des Trinitaires qui avaient fait venir d’Arles, en 1661, une relique de saint Roch et créé une confrérie qui fut, en 1661, enrichie d’indulgences par le pape Alexandre VII. A chaque épidémie de peste, notamment en 1664 et en 1721, on continue à implorer la protection du saint tutélaire.

Saint Roch et lange Chapelle Saint Sebastien en Saint Segal Cotes du Nord

Le culte, interrompu par la tourmente révolutionnaire, est ressuscité ensuite avec éclat. L’ancienne église des Trinitaires, autrefois consacrée à saint Paul, est en 1828 dédiée à Saint-Roch, qui, au XIXe siècle, préserve surtout du choléra. La protection dont il entoure sa ville natale provoque, en 1855, un nouvel hommage de reconnaissance qui revêt la forme d’une souscription pour élever au saint montpelliérain une église que l’on pourrait souhaiter plus digne de lui.

En dehors de Montpellier, on n’a découvert jusqu’à présent aucun vestige positif du culte de Saint-Roch avant le dernier quart du XVe siècle, époque à laquelle il se développe dans l’Italie du Nord, notamment à Venise qui, à partir de 1485, prétend posséder des reliques de l’enfant de Montpellier.

Apparition dun ange a Saint Roch par Lorenzo Lotto Galerie Giovannelli Venise

Les traditions relatives à ces reliques sont tout à fait contradictoires et aucune d’elles ne peut invoquer en sa faveur de texte suffisamment ancien pour faire autorité. Les hagiographes n’indiquent pas clairement où est mort Saint-Roch et les identifications qui ont été tentées relèvent de la plus imaginative fantaisie. D’autre part, les premiers écrivains qui signalent la translation de 1485 gardent le silence sur l’origine des reliques. Ce n’est qu’au XVIIe siècle que l’on commence à proposer des explications et que plusieurs versions se dessinent. D’après l’une, les reliques en question provenaient de Voghera, en Lombardie, où Saint-Roch aurait reposé jusqu’en 1485. Une autre voulait qu’elles eussent été apportées à Venise d’Allemagne. On prétendit à Montpellier, où il n’est jamais question d’un tombeau de Saint-Roch dans les textes du XVe siècle, que le corps avait été dérobé par deux moines bénédictins spécialement envoyés par la République en Languedoc pour commettre ce pieux larcin. Arles enfin revendiquait le privilège de posséder depuis 1372 les restes du thaumaturge et continua, au XVIe siècle, à distribuer un peu partout de précieuses parcelles.

Au reste, ces incertitudes n’ont eu aucune répercussion dans le domaine de l’art. Pour l’histoire de l’iconographie, le seul fait décisif est la translation des reliques à Venise en 1485.

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Sans doute on a honoré Saint-Roch à Venise avant cette date. En 1477, il existait déjà en l’église Saint-Julien une confrérie charitable placée sous son patronage. La peste qui sévit cette année-là fournit aux pieux associés une occasion de manifester qu’ils étaient animés de l’esprit du saint guérisseur; par esprit de pénitence, ils n’hésitèrent pas à se flageller publiquement, après quoi ils affrontèrent courageusement les hôpitaux où ils soignèrent les malades et ensevelirent les morts.

Lorsque le fléau eut cessé, Venise éleva, en signe de reconnaissance, une église dédiée à Saint-Roch.

Saint Roch Eglise du Plouagal 1

Celle-ci a été l’objet de plusieurs reconstructions dont la dernière remonte seulement à 1765. La translation des reliques, en 1485, acheva de fixer le culte dans ce sanctuaire auprès duquel on édifia, pendant la première moitié du xvi siècle, un palais, la scuola san Rocco. La confrérie, à laquelle était destiné ce somptueux monument, continua par la suite à honorer Saint-Roch en multipliant les œuvres de charité. Non contente de distribuer de larges secours en temps d’épidémie, elle assista régulièrement un grand nombre de familles indigentes, délivra des prisonniers pour dettes, dota, comme l’avait fait Saint-Roch avant d’entreprendre son pèlerinage, des jeunes filles pauvres.

Saint Roch et lange Gravure de Sadeler dapres de Vos

Le culte de Saint-Roch s’est perpétué à Venise, comme à Montpellier, jusqu’à nos jours. C’est de Venise, que, grâce aux relations commerciales de la République avec la plupart des pays d’Europe, il a rayonné un peu partout, notamment en Italie et en Allemagne.

Saint-Roch a été invoqué dans les cités qui avaient reçu le bienfait de ses guérisons miraculeuses. Une inscription de 1501 rappelle, dans la cathédrale de Césène, qu’il a délivré la ville de la peste, et l’on a vu longtemps, dans la fresque qu’elle accompagne, le portrait authentique du thaumaturge. Acquapendente conserve une statue en bois qui paraît remonter à la fin du XVe siècle.

Saint Roch recevant du Christ le patronage des pestiferes Gravure de Paul Pontius dapres Rubens

A Plaisance, la protection de Saint-Roch a été implorée au cours de l’épidémie de 1529, qui fut suivie de la construction d’une église où l’on vénéra, dès 1533, l’image du guérisseur. A Rome, les premiers vestiges d’un culte coïncident avec le pontificat d’Alexandre VI (1492-1503); ce pape autorisa la création d’une confrérie et l’érection d’un sanctuaire auquel, après lui, Léon X (1511-1523), Pie IV (1559-1565), Paul V (1605-1621) accordèrent d’importants privilèges. La dévotion à Saint-Roch s’accrut encore lorsque Grégoire XIII (1572-1585) eut fait inscrire ce nom si populaire au martyrologe romain et qu’Urbain VIII (1623-1614) eut proclamé la sainteté de celui qui l’avait porté. Plus que jamais dans la ville éternelle, on aura recours, pendant les périodes d’épidémie, à une intercession tant de fois éprouvée. Alexandre VII, pendant la peste de 1656, décrète des prières publiques en l’honneur de Saint-Roch et, en 1837, lors de la première apparition du choléra, Grégoire XVI renouvelle le geste de son prédécesseur.

Saint Roch jete en prison Saint Roch guide par lange par Marchiori Scuola du S. Rocce Venise

De Venise le culte de Saint-Roch s’est aussi répandu en Allemagne et aux Pays-Bas, apporté sans doute par les innombrables marchands qui chaque année évoluaient entre les rives de la mer du Nord et celles de l’Adriatique. En 1478, Diedo, ancien professeur de droit à Padoue et gouverneur de Brescia, avait fait paraître à Venise une biographie de Saint-Roch. Presque aussitôt après, d’autres vies furent imprimées à Vienne en 1482, à Cologne en 1483, à Nuremberg en 1484, à Louvain en 1485. En 1512, à Anvers, une chapelle, desservie par une confrérie, est consacrée à Saint-Roch et plusieurs autres villes belges suivront assez vite l’exemple de la grande métropole commerçante.

La France a, elle aussi, connu à la fin du XVe siècle, l’histoire de Saint-Roch grâce à la biographie rédigée en français par Jean Philipot qui, publiée pour la première fois en 1495, fut réimprimée presque aussitôt à Lyon et à Rouen. En 1493, on jouait déjà dans le Nord le mystère de monseigneur Saint-Roch en l’honneur duquel, au XVIe siècle, s’élèvent un peu partout des sanctuaires. A Paris, Louis XIV, en 1653, posera la première pierre de l’église de la rue Saint-Honoré, destinée à remplacer une chapelle trop étroite où l’on venait en foule prier saint Roch.

L’Espagne, grâce à ses rapports avec la France du Midi, a été entraînée dans ce mouvement d’universelle vénération qu’elle propagera en Amérique où le nom de Saint-Roch sera donné à un cap à l’extrémité septentrionale du Brésil.

La dévotion à Saint-Roch s’est donc peu à peu étendue jusqu’aux limites du monde chrétien sans jamais perdre son caractère primitif. Saint Roch est resté le protecteur souverain auquel on s’adresse en temps d’épidémie. On l’a invoqué à la fin du moyen âge et au début des temps modernes pour écarter la peste, plus tard pour conjurer le choléra, à tout moment pour préserver des maladies contagieuses, quelles qu’elles fussent. Ainsi s’est réalisé le vœu que les hagiographes ont placé sur les lèvres du saint à l’heure de son trépas et dont l’histoire de son culte n’est que le perpétuel commentaire.

Saint Roch secourant les pestiferes par Filiberti Scuola di S. Rocco Venise

L’art a parcouru les mêmes étapes et s’est adapté à toutes les formes successives du culte de Saint-Roch.

On peut distinguer tout d’abord une période primitive qui précède la translation des reliques à Venise. Le portrait traditionnel du saint est déjà constitué, comme le prouve la curieuse statue en bois, aujourd’hui au musée de Grenoble, que M. Emile Bonnet, dans sa remarquable Esquisse d’une Iconographie de Saint-Roch, considère avec raison comme « la plus ancienne image connue du patron des pestiférés ». Est-elle de la fin du XIVe siècle ou seulement des premières années du XVe ? Il n’est pas permis d’être affirmatif, mais, ce qui mérite d’être retenu, c’est que cette œuvre émouvante par la vérité un peu fruste de l’expres-sion, est certainement antérieure à la rédaction des biographies qui ont été citées plus haut et qu’elle procède soit de la source primitive qui a inspiré les hagiographes, soit tout simplement de  la tradition orale. A première vue, Saint-Roch, qui porte le costume de pèlerin, ressemble étrangement à saint Jacques; cependant la main droite, qui soulève la tunique pour laisser voir la plaie pestilentielle placée à la cuisse au lieu de l’aine, indique discrètement qu’il s’agit d’un saint plus moderne.

Saint Roch donnant laumone par Annibal Carrache Musee de Dresde

Quant à la physionomie, elle présente déjà plusieurs caractères distinctifs qui réapparaîtront souvent : cheveux tombant en longues boucles sur le front, barbe bouclée elle aussi et teinte de couleur rousse, traits paisibles, doux, empreints d’une noble distinction, regard d’une gravité pénétrante et d’une austère bonté.

Ainsi, dès le début du XVe siècle, le type de Saint-Roch est créé dans la sculpture. Il est impossible de dire s’il l’était aussi dans la peinture, car les plus anciens tableaux que l’on ait conservés ne sont pas antérieurs à la seconde moitié du siècle.

Saint Roch et lange Tableau attribue a Van Dyck Cathedrale de Senlis
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Parmi eux on peut citer le curieux dyptique de Carlo Crivelli qui travaillait à Murano après 1464.

Saint Roch implorant Dieu durant la peste par Domenico Zampieri dit le Dominiquin Palais Rosso Genes

Saint-Roch y voisine avec un saint Sébastien et percé de flèches. Il porte lui-même le costume de pèlerin avec le grand manteau, la tunique serrée à la taille, le chapeau de large feutre, la besace et le bâton : il découvre sa cuisse gauche et, d’un geste très réaliste, désigne le bubon révélateur du mal qui l’a éprouvé; bouclé et imberbe, il paraît plus jeune que le Saint-Roch de Grenoble et il a, par-dessus tout, un air de souffrance méditative qui ne nuit pas d’ailleurs à la finesse ni à la distinction du visage. La physionomie se précise; elle va, pendant la période que l’on pourrait appeler vénitienne, achever de se fixer à l’aide de nouveaux attributs distinctifs.

Saint Roch Eglise dErvy Aube
Saint Roch par le Tintoret Musee de Verone

A cet égard, l’influence de l’hagiographie sera décisive.

Les épisodes poétiques de la vie du saint ne pouvaient manquer d’inspirer les artistes. Bien qu’il soit impossible, par suite de la disparition d’une foule d’œuvres d’art, d’établir une filiation certaine, il demeure évident que l’iconographie de saint Roch s’est complétée dans les pays où furent composées, autour de 1480, les vies du thaumaturge, soit à Venise et en Allemagne.

Saint Roch et lange par Paolo Morando National Gallery Londres
La Vierge tronant entre Saint Roch et Saint Sebastien par Cesare Magni Musee de berlin

D’ailleurs, entre Venise et l’Allemagne les relations artistiques étaient aussi développées que les rapports commerciaux : l’école de Murano a eu parmi ses fondateurs un Allemand, Johannes Alemannus, qui a exercé quelque influence sur Carlo Crivelli, et cette pénétration réciproque s’est prolongée jusqu’au XVIe siècle : Albert Dürer ne viendra-t-il pas à Venise? Il n’est donc pas surprenant que, simultanément en Allemagne et à Venise, le type inventé sans doute par l’école de Murano s’enrichisse d’éléments jusque-là inconnus.

Parmi eux figure d’abord l’ange consolateur que Dieu, disait-on, envoya à Saint-Roch dans la forêt pour le réconforter. M. Emile Bonnet signale son apparition, pour la première fois, sur une gravure qui orne le frontispice d’une édition, antérieure à 1500, de la vie de saint Roch par Pierre-Louis Maldura. L’ange, à genoux, étend sur la plaie du pestiféré, à l’aide d’un pinceau, un baume destiné à la cicatriser, et il faut croire que cette application produit aussitôt son effet miraculeux, car le pèlerin, debout, appuyé sur son bâton, a déjà un air de rayonnante santé et semble prêt à reprendre la série de ses courses charitables. La physionomie et le geste de l’ange se modifieront plus ou moins heureusement suivant les époques et suivant les artistes, mais on retrouvera dans un grand nombre de statues et de tableaux le messager de Dieu, garant en quelque sorte de la mission providentielle de saint Roch.

La même gravure laisse voir un autre attribut de Saint-Roch que l’on a longtemps considéré comme le plus symbolique, mais qui, ainsi que l’a encore prouvé M. Émile Bonnet, n’est ni aussi ancien ni aussi universel qu’on l’avait cru, à savoir le chien, « le roquet » qui vint nourrir saint Roch dans sa solitude abandonnée. A partir du XVIe siècle, on le trouve assez fréquemment aux côtés du bienheureux et dans les attitudes les plus variées, tantôt dressé sur ses pattes de derrière et posant familièrement celles de devant sur la jambe de son maître d’adoption, tantôt assis devant celui-ci ou encore, comme dans un tableau de Lorenzo Lotto qui s’inspire très directement du récit de Diedo, remettant à Saint-Roch le pain qu’il a dérobé sur la table de Gothard.

Saint Roch en priere devant Saint Sebastien Collections de la Societe Archeologique de Montpellier XVIIe siecle

Le bubon pestilentiel, l’ange et le chien, tels seront désormais les attributs particuliers de saint Roch. Ainsi s’est constitué le portrait classique qui traversera les siècles sans subir de grandes modifications, se reflétant aussi bien dans de purs chefs-d’œuvre que dans les mauvaises statues coloriées sorties en série des officines qui ont assumé la mission satanique de détruire le sens de l’art parmi les foules, ou dans les fades images de piété que l’on distribue aux neuvaines en l’honneur de Saint-Roch. Tout au plus peut-on signaler çà et là quelques transformations de détail, comme celle qui consiste à cacher le bubon par un bandage ou encore, ce qui n’a aucun sens, à le remplacer par la croix que Saint-Roch, en naissant, portait, au dire des hagiographes, non pas sur la cuisse, mais sur la poitrine. De même, la physionomie du pèlerin de Montpellier s’est parfois ressentie du mauvais goût de certaines époques qui a inspiré des attitudes théâtrales de gentilhomme plutôt fâcheuses, mais, dans l’ensemble, l’iconographie elle-même est restée conforme à la formule vénitienne qui s’est répandue un peu partout.

Saint Roch priant pour les pestiferes Gravure de Lepautre XVIIe siecle

C’est également à Venise que l’on a pour la première fois illustré les divers épisodes de la vie de Saint-Roch. Lorsque l’on construisit, après 1485, l’église destinée à contenir les reliques, on fit appel, pour la décorer, aux artistes en renom.

Saint Roch intercedant pour les pestiferes de Marseille Gravure dapres le tableau de J.L. David Hopital de la Sante marseille

Le Tintoret put donner, là comme ailleurs, libre cours à sa féconde facilité. En quelques heures il trouva le moyen d’exécuter, pour évincer ses concurrents, un grand tableau, consacré à la glorification de saint Roch, qu’il fixa secrètement au plafond d’une des salles du premier étage de la Scuola où il se trouve encore aujourd’hui. Chargé, après cette prouesse, de l’ornementation du sanctuaire, il y peignit plusieurs scènes empruntées à la vie de Saint-Roch par Diedo, telles que la présentation au pape, la visite aux pestiférés dans un hôpital, la guérison des animaux dans la forêt, l’arrestation, la venue de l’ange dans la prison, puis il compléta cette biographie sur les panneaux des salles du palais.

Saint Roch par Auguste Baussan 1829 1907 Eglise Saint Roch Montpellier

Le plan du Tintoret a été plusieurs fois repris.

Dans la même Scuola, la vie de Saint-Roch se déroule sur les bas-reliefs, qui ornent la grande salle, œuvre de Jean Marchiori. Elle sera retracée aussi dans les fresques de Bologne et de Rimini au début du XVIe siècle, dans des séries de vitraux, comme à Saint-Etienne d’Elbeuf, dans les gravures qui, à partir du XVIe siècle, orneront les vies de Saint-Roch. A côté de ces encyclopédies plus ou moins heureuses, tel ou tel épisode tentera certains peintres : Annibal Carrache se plaira à montrer Saint-Roch distribuant ses biens aux pauvres avant d’entreprendre son grand pèlerinage, et Le Guide le représentera dans sa prison, tandis que plus récemment Abel de Pujol, à Saint-Sulpice de Paris, et Auguste Glaize, à Montpellier, évoqueront sa mort entourée d’une atmosphère de miracle, mais c’est surtout la guérison des pestiférés, qui, depuis une vieille gravure allemande de 1484 jusqu’à Abel de Pujol au XIXe siècle, sera le thème favori des artistes.

Saint Roch par G. Martinetti Eglise du Sauveur Jerusalem

L’art ne s’est pas borné à glorifier Saint-Roch en illustrant le récit des hagiographes. Il semble qu’il ait cherché aussi à traduire les invocations suppliantes des foules. Dans une toile émouvante, conservée à l’église Saint-Martin d’Alost, Rubens a su rendre avec force les clameurs anxieuses des pestiférés sollicitant leur guérison. Plus généralement c’est Saint-Roch lui-même qui, dans une attitude de prière, intercède pour l’humanité aux prises avec les épidémies. Des 1480, Bartolomeo Vivarini le représente aux pieds de la Vierge et la même scène se retrouve, en 1487, dans une des premières œuvres de Bartolomeo Montagna où saint Sébastien paraît encore aux côtés du thaumaturge du XIVe siècle. De même dans le Primitif qui orne l’escalier du presbytère de l’église Saint-Roch à Montpellier, une Pieta forme le centre de la composition et, debout près d’elle, le patron des pestiférés découvre la plaie de sa cuisse. Ailleurs, comme dans un autre tableau de Montagna qui date de 1519, c’est au Christ lui-même que Saint-Roch semble s’adresser ; chez Francesco Carotto il est auprès de l’Enfant Jésus que soutiennent la Vierge et saint Jean-Baptiste, escorté de saint Pierre et de saint Sébastien.

Mort de Saint Roch par Abel de Pujol Eglise Saint Sulpice Paris

Ainsi partout et toujours, l’art revêt la forme d’une prière en même temps que d’un hommage.

Inséparable de l’hagiographie et des manifestations diverses auxquelles le culte de Saint-Roch a donné lieu, il respire lui aussi la foi dans le succès d’une intercession si souvent triomphante et chante les confiants espoirs des âmes pieuses, en même temps qu’il s’attache à dégager les leçons qui jaillissent en foule d’une vie sanctifiée par le vieil esprit chrétien de renoncement et de sacrifice, embrasée par une charité ardente, généreuse, toujours prête à se pencher sur toutes les misères de ce monde et à les guérir par l’intervention du miracle.

CARACTÉRISTIQUES ET PATRONAGES

En dépit de l’expression devenue proverbiale : Saint-Roch et son chien, la présence du chien, qui ne rappelle qu’un incident de la légende du saint, n’en est pas la caractéristique ni la plus constante, ni la plus ancienne. Comme on a pu le voir dans les pages qui précèdent, la plus ancienne figuration de Saint-Roch nous le montre en pèlerin et avec la plaie infectieuse gagnée au chevet des pestiférés. Que cette plaie soit placée à l’aine, comme l’indiquent les anciens biographes, ou qu’une sorte de pudeur l’ait fait descendre à la cuisse, qu’elle affecte le membre gauche ou le membre droit, car les artistes varient sur ce point, la plaie est bien l’une des caractéristiques les plus ordinaires du saint et elle rappelle à ses dévots que c’est contre la peste et contre les contagions infectieuses que son intercession est la plus puissante. La présence de l’ange consolateur et guérisseur n’est qu’accessoire, comme celle du chien, et elle ne semble guère apparaître que vers la fin du XVe siècle, pour se généraliser ensuite; et il est curieux de constater que plus d’une fois l’ange paraît singulièrement plus petit que le saint qu’il vient secourir.

Saint Roch est essentiellement le patron des pestiférés et des malades atteints d’autres affections contagieuses. Il a été souvent associé à Saint Sébastien que l’on invoquait avant lui dans ce cas. On a vu ci-dessus qu’à Montpellier même, sa patrie, au début du XVe siècle, c’est au seul Saint-Sébastien que l’Université demande la cessation du fléau. Peut-être le rôle de Roch a-t-il été d’abord d’implorer le secours de saint Sébastien, comme semble l’indiquer un tableau d’ailleurs peu ancien. On l’invoquait aussi contre la dysenterie et contre les blessures des bêtes à cornes. Plusieurs confréries et, à Rome, une archiconfrérie étaient placées sous son patronage.

Dans certaines régions, les chirurgiens, et aussi les paveurs (par exemple à Bordeaux et à Paris), parfois d’autres corporations (fourreurs, pelletiers, fripiers, etc.), se réclamaient de son patronage.

Parme, Venise, en Italie; Montpellier, Ahun, en France; Huy, en Belgique; Bingen, en Allemagne, etc., l’honorent comme un de leurs patrons.

E. G. L.

Saint Roch gravure disrael

Bibliographie et liens

Sur les Carnets de Montpellier, l’article consacré à Saint-Roch

Wikipedia : Article Saint-Roch

Après des études en science politique et en géographie et histoire de l'urbanisme, Fabrice Bertrand, né à Montpellier, anime depuis 2016 le groupe Facebook "Montpellier Histoire et Patrimoine" qui compte près de 30.000 membres. Il est aujourd'hui en charge de plusieurs projets, qui visent à mettre en valeur le patrimoine scientifique et intellectuel montpelliérain.

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