Paul Cazalis de Fondouce, pionnier de la préhistoire méridionale

Au carrefour de la science et de l’histoire, Paul Cazalis de Fondouce (1835-1931) occupe une place de choix parmi les figures montpelliéraines qui ont marqué durablement la recherche préhistorique en France.

Cet ingénieur passionné, né à Montpellier le 11 juin 1835, a su conjuguer rigueur scientifique et curiosité insatiable pour écrire quelques-unes des plus belles pages de l’histoire de la préhistoire méridionale. Au fil d’une vie riche et foisonnante, il a jeté les bases d’une discipline alors en plein essor, tout en oeuvrant à l’enrichissement patrimonial de sa ville natale. 

Aujourd’hui, Montpellier et le Languedoc-Roussillon continuent de bénéficier de son héritage à travers des collections archéologiques inestimables et des travaux de référence qui demeurent, encore à ce jour, des jalons incontournables pour les spécialistes.

Montpellier Paul Cazalis de Fondouce Portrait Gallica
Paul Cazalis de Fondouce – Carte visite
© Gallica

Les origines d’un esprit curieux

Paul Cazalis de Fondouce est issu d’une ancienne famille bourgeoise protestante languedocienne, dont la particule « de Fontdouce » provient d’une belle propriété située sur les terres de Villeveyrac.

Montpellier Paul Cazalis de Fondouce Acte de naissance AD345MI176
Acte de naissance de Paul Cazalis de Fondouce – 12 juin 1835
© Archives Départementales de l’Hérault, cote : 5MI1/76

Dès son plus jeune âge, il part pour Paris, où il fait des études brillantes qui le conduisent à l’obtention de son baccalauréat. Ambitieux et animé par un vif intérêt pour les sciences, il s’engage ensuite dans la préparation du concours d’entrée à l’École centrale des Arts et Manufactures. Dans cet établissement de renom, il acquiert des connaissances techniques pointues et obtient avec succès un diplôme d’ingénieur.

Peu de temps après son retour à Montpellier, il décide de compléter son bagage scientifique en passant une licence ès sciences sous la direction d’un professeur internationalement reconnu, le célèbre Marcel de Serres. Cet enseignement supplémentaire va parfaire son socle de connaissances et orienter définitivement son engagement scientifique vers la géologie. Fasciné par la diversité des paysages languedociens, il se tourne vers l’étude des formations volcaniques, lesquelles n’avaient encore suscité que peu d’intérêt dans la région.

Infatigable travailleur et plume prolifique, le jeune Paul Cazalis de Fondouce publie à tout juste 25 ans deux mémoires novateurs sur ces thématiques géologiques, se faisant rapidement un nom parmi les géologues de la région. En 1860, il publie en association avec Emile Bertin un ouvrage intitulé « De la méthode et de l’espèce en histoire naturelle » par lequel il s’oppose aux théories de Darwin. 

Montpellier De lespece en histoire naturelle Pual Cazalis de Fondouce
Bertin Emile & Cazalis de Fondouce Paul, 1860 .- De la méthode et de l’espèce en histoire naturelle .- Paris
© Bibliothèque nationale de France, département Sciences et techniques, cote : S-23212

Paul Cazalis de Fondouce, le protestant

Cette année 1860 marque une étape importante dans la vie de ce membre du consistoire protestant de Montpellier. Il publie une brochure sur les origines du protestantisme français, qui a pour titre « Les Parpaillots, recherche sur l’origine de ce sobriquet donné aux Réformés de France. Il travaille également à quelques articles pout la Revue de théologie éditée par la faculté de Montauban, où enseignent de nombreux montpelliérains. En même temps, il s’implique fortement dans de nombreuses structures sociales et dans l’installation d’une antenne de la Croix-Rouge à Montpellier.

La même année, il épouse Valérie Mazars de Mazarin, fille du maire de Saint-Affrique, Eugène Mazars de Mazarin et d’Athénaïs de Quatrefages du Fesq.

L’émergence d’un préhistorien : l’importance de la notion de transition

En 1865, Paul Cazalis de Fondouce est missionné par les chambres de Commerce de Montpellier et de Rodez pour prendre part à la Commission Internationale du Canal de Suez. C’est pour lui, l’occasion de découvrir l’Egypte et sa longue histoire, mais aussi la Syrie et la Palestine qui vont profondément le marquer et lui permettre de développer une approche scientifique originale.

Si Paul Cazalis de Fondouce jouit rapidement d’une renommée en géologie, c’est surtout dans le champ de la préhistoire qu’il va inscrire durablement son empreinte. Très tôt, il développe une réflexion profonde sur la périodisation de la préhistoire. À l’époque, il est fréquent de délimiter de manière rigide les grandes ères préhistoriques (Paléolithique, Néolithique, etc.) en établissant des « coupures » nettes. 

Or, pour Cazalis de Fondouce, ces cloisons étanches n’existent pas dans la réalité du terrain : les périodes préhistoriques se chevauchent et se succèdent en douceur, dans un jeu complexe de transition et de continuité.

C’est cette vision novatrice qu’il va mettre en pratique dans la célèbre grotte de la Salpétrière, située non loin du Pont du Gard. Ses fouilles et ses observations lui permettent de démontrer que la frontière entre le Paléolithique et le Néolithique est bien moins tranchée que ce que l’on pensait jusqu’alors. Il confirme que des phases de transition existent bel et bien, riches en indices permettant de comprendre l’évolution progressive des techniques, des modes de vie, et des croyances de l’Homme préhistorique. Dès lors, la réputation de Cazalis de Fondouce dépasse rapidement les frontières régionales, et sa lecture novatrice de la préhistoire suscite l’intérêt d’éminents confrères français et européens.

Paul Cazalis de Fondouce et la découverte du mammouth de Durfort

L’un des faits marquants dans la carrière de Paul Cazalis de Fondouce est sans conteste la découverte, en 1869, aux côtés de Jules Ollier de Marichard, archéologue et inspecteur des Monuments historiques, sur le territoire de Durfort (dans le Gard), d’ossements fossilisés appartenant à un mammouth. Identifié comme un Mammuthus meridionalis, cet animal préhistorique géant témoigne de la richesse paléontologique du Languedoc. Avec un esprit généreux et tourné vers le partage du savoir, Cazalis de Fondouce offre aussitôt ces précieux vestiges au Muséum d’Histoire naturelle de Paris. Cette donation, qui contribue à enrichir les collections publiques, vient asseoir un peu plus la réputation de l’ingénieur-chercheur au sein de la communauté scientifique.

Mammouth de Durfort au Museum dHistoire Naturelle de Paris decouvert par Paul Cazalis de Fondouce en 1869
Le Mammouth de Durfort présenté dans la galerie principale du Museum National d’Histoire Naturelle de Paris découvert par Paul Cazalis de Fondouce en 1869 Photographie prise par Sohier en 1893
© Collection du MNHM

Au-delà de ces découvertes paléontologiques, il se révèle un anthropologue et un archéologue de grand talent. Ses innombrables publications — couvrant des sujets aussi variés que les bornes milliaires de l’Hérault, les inscriptions romaines de Lunel-Viel ou encore la géologie égyptienne — traduisent un esprit extrêmement curieux et polyvalent. Son nom est ainsi régulièrement cité dans les cercles internationaux, et il est convié à des rencontres scientifiques prestigieuses pour y partager son expertise. Cet élan de reconnaissance aboutit, entre autres, à sa participation active à la constitution d’une collection exceptionnelle d’objets préhistoriques, aujourd’hui jalousement conservée par la Société archéologique de Montpellier.

Un legs extraordinaire : la collection préhistorique de la Société archéologique de Montpellier

Paul Cazalis de Fondouce est un collecteur méthodique. Tout au long de sa vie, il réunit avec minutie des objets préhistoriques et archéologiques issus de ses fouilles et de ses recherches sur le terrain. Pointilleux et passionné, il classe chaque artefact, rédige des notes détaillées et confronte ces pièces aux hypothèses scientifiques du moment. Grâce à cette démarche rigoureuse, il constitue, petit à petit, une collection hors du commun, rassemblant outils lithiques, poteries fragmentées, ossements, et autres vestiges précieux permettant de reconstituer la vie des premiers habitants du Languedoc méditerranéen.

Montpellier Carte archelogique de lHerault par Cazalis de Fondouce
Carte archéologique du département de l’Hérault, Extrait du Bulletin de la société languedocienne de géographie. Tom. II, pl. II, dessiné par Paul Cazalis de Fondouce en 1879
© Montpellier Méditerranée Métropole – Médiathèque centrale Emile Zola, EstL0197

À son décès, le 10 avril 1931, l’intégralité de cette collection est léguée à la Société archéologique de Montpellier, une institution à laquelle il appartint pendant plus de soixante-trois ans. Ce don, véritable trésor scientifique, contribua à faire de la cité héraultaise l’une des plaques tournantes de la recherche préhistorique dans le sud de la France. Il suffit de consulter les inventaires de la Société archéologique pour saisir l’ampleur de l’apport de Paul Cazalis de Fondouce : de nombreuses pièces issues de sites majeurs du Languedoc y sont préservées, offrant un panorama unique sur des millénaires d’histoire humaine. Plusieurs spécialistes considèrent même que cet ensemble préhistorique aurait pu constituer à lui seul la base d’un grand musée national dédié à la préhistoire méridionale.

Un homme discret, mais profondément humain : témoignages et personnalité

Au-delà de ses qualités professionnelles, le caractère de Paul Cazalis de Fondouce a également marqué ceux qui avaient la chance de l’approcher. Décrit par ses pairs comme un homme réservé et peu loquace, il est pourtant réputé pour la grande bonté qui transparaît dès les premiers instants de rencontre.

Le docteur Louis Perrier, qui l’a côtoyé, dresse un portrait inoubliable de l’homme : “Dans la pénombre de son vaste cabinet de travail, sa silhouette caractéristique se détachait avec une netteté saisissante. De taille moyenne, le corps trapu, un peu tassé par l’âge, la tête droite avec un large front surmontant d’épais sourcils, le nez busqué, une forte moustache en croc toute blanche, donnaient à ses traits une mâle énergie accentuée par son regard clair et perçant. Il parlait peu, mais son timbre de voix, très doux, ainsi que ses gestes sobres mais affectueux, contrastaient avec son attitude générale. Froid et distant en apparence, quelques minutes d’entretien suffisaient à révéler le tréfonds de son cœur essentiellement bon.”

Un autre contemporain insiste sur l’équilibre parfait qui émanait de cet « admirable vieillard » : Paul Cazalis de Fondouce aurait su, au cours de sa longue existence, réaliser une synthèse harmonieuse entre une foi protestante inébranlable et une science extrêmement évoluée. Cette capacité à concilier convictions spirituelles et démarche scientifique rigoureuse fait de lui un modèle pour nombre de chercheurs de l’époque. Ce qui frappe également, c’est sa ténacité et son abnégation au travail : il poursuit ses recherches presque jusqu’à ses derniers jours, toujours prêt à partager sa passion et à transmettre ses savoirs.

” De la personnalité de ce beau vieillard, si admirablement équilibré, et qui a su si bien réaliser, dans sa longue existence une harmonieuse synthèse de sa foi, très positive, et de sa science, très évoluée, émane, je ne sais quelle atmosphère de calme et d’optimisme. Il a travaillé sans relâche, presque jusqu’à ses derniers jours, laissant derrière lui une œuvre scientifique considérable et le souvenir lumineux d’un homme de bien »…

L’héritage scientifique et patrimonial de Paul Cazalis de Fondouce

Au moment de sa mort, survenue le 10 avril 1931, Paul Cazalis de Fondouce laisse derrière lui une œuvre monumentale, couvrant la préhistoire, la géologie et l’archéologie. Il faut souligner l’importance de ses études sur la géologie égyptienne, dont certaines, publiées avant 1922, seront reconnues comme des références internationales. Sur la scène languedocienne, ses travaux sur la préhistoire de l’Hérault demeurent un socle de connaissances incontournable. Le qualificatif de « fondateur de la préhistoire méridionale » attribué à Paul Cazalis de Fondouce est donc loin d’être usurpé. Sa contribution a ouvert la voie à des générations d’archéologues, de géologues et d’anthropologues. De nombreux chercheurs s’y réfèrent encore pour étayer ou questionner de nouvelles hypothèses.

Au delà de tous les aspects de cette vie exceptionnelle, au travers des objets préhistoriques qu’il a si patiemment rassemblés, ce grand homme, Paul Cazalis de Fondouce, nous rappelle que la connaissance est une construction collective, s’appuyant sur la rigueur, l’ouverture d’esprit et l’échange généreux avec autrui.

Pour aller plus loin, bibliographie et liens

Cazalis de Fondouce, Paul, 1922 .- Les Temps préhistoriques dans le département de l’Hérault .- Montpellier, impr. de Firmin et Montane

Cazalis de Fondouce, Paul, 1868 .- Recherches sur la géologie de l’Égypte, d’après les travaux les plus récents, notamment ceux de M. Figari-Bey, et le canal maritime de Suez .- Montpellier, C. Coulet, 1868

Serres (de) Marcel & Cazalis de Fondouce, Paul, 1862 .- Des formations volcaniques du département de l’Hérault dans les environs d’Agde et de Montpellier, faisant suite aux observations sur les terrains pyroïdes du Salagou et de Neffiez, par Marcel de Serres et Cazalis de Fondouce, Paris, impr. de L. Martinet, 1862

Wikipedia : Article Paul Cazalis de Fondouce

Après des études en science politique et en géographie et histoire de l'urbanisme, Fabrice Bertrand, né à Montpellier, anime depuis 2016 le groupe Facebook "Montpellier Histoire et Patrimoine" qui compte près de 30.000 membres. Il est aujourd'hui en charge de plusieurs projets, qui visent à mettre en valeur le patrimoine scientifique et intellectuel montpelliérain.

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