La chapelle Sainte-Eugénie de Nîmes, plus ancien édifice religieux de la ville, est un témoignage remarquable de l’histoire religieuse de notre Languedoc-méditerranéen. Ce monument, préservé malgré les bouleversements des siècles, et surtout les folies destructrices des Guerres de religion, s’érige comme une pièce précieuse du patrimoine de la région.
1. Aux origines de la chapelle Sainte-Eugénie
La chapelle Sainte-Eugénie est mentionnée dès 956 dans le cartulaire du Chapitre de Nîmes. Son architecture romane, représentative du Xe siècle, comprend une nef de 21 mètres divisée en trois travées voûtées en berceau. Ces voûtes basses sont supportées par des arcs doubleaux, reflétant l’esthétique et les contraintes architecturales de l’époque.
Au cours des siècles, la chapelle a évolué de manière significative, notamment avec la transformation du chœur roman en une splendide voûte gothique ornée de liernes et de tiercerons, qui offre un exemple unique d’architecture gothique à Nîmes. Ce style particulier, marqué par la richesse de ses décors sculptés, confère au chœur une atmosphère solennelle et majestueuse. Bien que plusieurs guides mentionnent une amélioration du chœur en 1656, il semble préférable de dater cette construction à la fin du XVe siècle, en raison de similitudes stylistiques avec d’autres édifices gothiques de cette époque.

Durant toute la période médiévale, la chapelle Sainte-Eugénie faisait partie des “rectories”, c’est-à-dire des églises desservies par des prêtres nommés par le chapitre cathédral de Nîmes. Ces prêtres avaient la charge de la vie spirituelle des fidèles et y célébraient les offices réguliers, les baptêmes, les mariages et les enterrements. Sainte-Eugénie était donc un centre important de la communauté religieuse locale. Sa fonction religieuse et ses activités liturgiques ont perduré jusqu’aux événements tumultueux des guerres de Religion, qui ont bouleversé l’organisation de la vie religieuse dans la région.
2. La chapelle Sainte-Eugénie pendant les Guerres de Religion
La chapelle Sainte-Eugénie a en grande partie échappé aux destructions massives des guerres de Religion, un fait exceptionnel dans cette région particulièrement marquée par les affrontements entre Catholiques et Protestants. Cette préservation relative témoigne de l’importance stratégique et religieuse de l’édifice pour les deux camps. Cependant, en 1561, elle fut brièvement cédée aux Protestants, qui l’occupèrent pour en faire un lieu de culte. Après une première restitution aux Catholiques en 1562, les tensions culminèrent à nouveau et les Protestants reprirent la chapelle lors de la “Michelade” de 1567, transformant l’édifice en poudrière, illustrant ainsi son usage militaire temporaire durant cette période troublée.
En 1569, après une période d’abandon consécutive aux troubles des guerres de Religion, l’église et son petit cloître furent vendus à Pierre Albenas et Jean Sabatier, deux bourgeois de Nîmes. Elle demeura en l’état, subissant les aléas du temps et le manque d’entretien, jusqu’à ce qu’elle soit rendue au culte catholique en 1657, une date charnière pour la chapelle marquant sa renaissance spirituelle et son retour au cœur de la vie religieuse nîmoise.
3. L’Ancien Régime : Une Nouvelle Vie pour la Chapelle
Après avoir été restituée aux Catholiques en 1657, la chapelle Sainte-Eugénie reprit son rôle de lieu de culte et devint l’unique paroisse de Nîmes jusqu’en 1746, jouant ainsi un rôle central dans la vie spirituelle de la ville. Durant cette période, la chapelle fut le principal lieu de rassemblement pour les fidèles catholiques de Nîmes, répondant aux besoins spirituels et sacramentels de la communauté. Le petit cloître, mentionné pour la première fois en 1547, accueillit les Visitandines en 1657. Ces religieuses y demeurèrent jusqu’à l’intégration de leur propre couvent en 1666. Leur présence contribua à la vie religieuse et au maintien de l’édifice, en faisant de Sainte-Eugénie un espace de dévotion et de recueillement, malgré les difficultés de l’époque.
Au XVIIIe siècle, la chapelle resta un lieu important pour la communauté catholique de Nîmes. Elle continua de servir la population nîmoise, témoignant ainsi de la résilience de la foi et de la volonté de préserver le patrimoine religieux malgré les tumultes de l’histoire.
4. Vers une Réhabilitation Moderne
Avec la Révolution française, la chapelle connut une nouvelle phase de bouleversements. En 1792, elle fut vendue à un négociant nîmois et passera entre plusieurs mains tout au long du XIXe siècle, à un point tel qu’une fabrique de billards y fut installée.

Ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle que la chapelle retrouva sa vocation religieuse : en 1877, elle fut rachetée par l’abbé Siméon Couran, qui permit la réhabilitation du lieu. L’édifice connut alors une restauration importante, avec une façade entièrement refaite en ciment moulé sous la direction de l’architecte E. Poitevin dans les années 1880. Cette opération a été effectuée par les cimentiers Gissler et Bember de Marseille avec l’aide du sculpteur marseillais Adolphe Royan.
En plus de cette transformation architecturale, un retable néo-gothique, richement sculpté en bois et stuc, fut ajouté, devenant l’élément central de la chapelle. Une chasse en bois sculpté accueille le gisant en cire de Sainte-Eugénie, dans laquelle ont placées les reliques de la Sainte qui fut décapitée Rome en 257 de notre ère, sous Valérien.


La chapelle Sainte-Eugénie fut finalement inscrite sur la liste des Monuments Historiques en 2009, reconnaissant ainsi son importance patrimoniale. Depuis 2023, la chapelle accueille à nouveau le culte, cette fois assuré par l’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre, dans la forme extraordinaire.
Ayant survécu aux guerres, aux ventes et aux multiples transformations, elle demeure aujourd’hui un témoignage vivant du passé et un lieu de recueillement à redécouvrir et mérite d’être découverte à l’occasion d’une de ses rares ouvertures.
Bibliographie et liens :
Wikipedia : Page de la chapelle Sainte-Eugénie de Nîmes
La chapelle Sainte-Eugénie sur le site Nemausensis de M. Mathon