L’Hôtel de Paul, situé au carrefour des actuelles rue Foch et rue de la Valfère, est l’un des hôtels particuliers les plus remarquables de Montpellier. Son élégante façade occidentale et son déploiement majestueux illustrent une étape clé dans l’évolution de l’architecture montpelliéraine. Construit à la fin du XVIIe siècle, cet édifice illustre l’adaptation des nouvelles manières d’habiter pour l’élite locale de l’époque, dans un centre urbain dense et dynamique.
Les historiens de l’art considèrent l’Hôtel de Paul comme un exemple emblématique de la transition architecturale de Montpellier. Cette demeure marque une nouvelle manière d’habiter la ville pour les membres des cours souveraines, notamment ceux de la Cour des Comptes Aides et Finances de Montpellier.
L’Hôtel de Paul incarne cette transformation : ses traits architecturaux et son emplacement stratégique étaient en parfaite harmonie avec les aspirations des classes dirigeantes qui formaient l’élite montpelliéraine et notamment de l’une d’entre elle, la famille de Paul.
Une famille patricienne au cœur de Montpellier
Cette vaste demeure, partiellement détenue de nos jours par l’Ordre des avocats de Montpellier, fut construite à partir de 1696 à la demande de Louis de Paul (1649-1709), conseiller en la Cour des Comptes. Elle était destinée à héberger son fils, également prénommé Louis (1678-1747), alors âgé de 18 ans et fraîchement pourvu d’une charge de conseiller.
La famille de Paul, installée à Montpellier depuis le XVIIe siècle, jouissait déjà d’une solide réputation juridique, renforcée par l’acquisition du titre de seigneur de Clapiers en 1674.
La famille de Paul, originaire de Fons dans le Gard, avait su acquérir une solide réputation dans l’exercice du droit à Montpellier. Après avoir fait ses armes en tant que notaires de la communauté de Fons, les membres de la famille avaient été attirés par le dynamisme de Montpellier au XVIIe siècle. Installés dans cette ville en plein essor, ils avaient occupé d’importantes fonctions juridiques, notamment celles de greffier en chef au bureau des Finances, contrôleur général des rentes de la Généralité, et de procureur puis avocat à la Cour des Aides de Montpellier, avant de devenir conseillers à la Cour des Comptes.
En 1674, les de Paul devinrent également seigneurs de Clapiers, après avoir acquis cette terre noble et la justice qui lui était attachée. Ils furent parmi les nombreux protestants qui, lors de la Révocation de l’Édit de Nantes en 1685, se convertirent au catholicisme, consolidant ainsi leur statut au sein de la société locale.
L’hôtel de Paul, un Chef-d’œuvre de l’architecte Augustin-Charles d’Aviler
L’Hôtel de Paul fut conçu par Augustin-Charles d’Aviler, un architecte très renommé à l’époque. Auteur de nombreux ouvrages sur “la façon de bien bâtir”, d’Aviler était un contemporain et parfois rival de Jules-Hardouin Mansard, architecte du roi. Ses connaissances et ses compétences lui ont permis de concevoir une demeure exceptionnelle, adaptée aux contraintes d’un espace urbain restreint, tout en respectant les principes de l’architecture classique française.
L’encoignure de l’hôtel bénéficie d’un traitement original, mise en valeur par une fenêtre en plein cintre ornée d’un mascaron féminin et surmontée d’un fronton triangulaire agrémenté d’une coquille. Ce motif ornemental est typique du style de d’Aviler, qui s’inspire des principes de l’architecture classique française. On retrouve des éléments similaires à la rue de l’Université, où d’Aviler a laissé son empreinte, ainsi que dans la seconde cour de l’Hôtel des Trésoriers de la Bourse, où il a su créer une harmonie entre les différents décors architecturaux. Ces éléments de composition et ces motifs inédits soulignent l’importance de l’ornementation comme moyen d’affirmer la modernité et le prestige de la famille de Paul au sein de la société montpelliéraine.
Une Entrée Symbolique Sous le Signe d’Hercule
Sur la rue Dauphine (actuelle rue Foch), d’Aviler dessine une façade régulière avec une porte monumentale décalée vers l’angle de la rue.
Cette disposition permet ainsi de répondre à des contraintes liées à la densité du tissu urbain montpelliérain tout en offrant une présence imposante à l’entrée de l’hôtel. Le choix de décaler la porte monumentale vers l’angle de la rue répond non seulement à des exigences de lisibilité, mais aussi à un souci de préservation des espaces intérieurs, permettant une plus grande enfilade de pièces nobles à l’étage.
Le portail d’entrée est orné une tête d’Hercule coiffée de la dépouille du Lion de Némée, symbole de puissance et de force, rappelant la figure du roi Louis XIV, souvent associé au héros mythologique.
Ce choix iconographique reflète l’intention de la famille de Paul de se placer sous l’image du roi et de montrer leur allégeance à la monarchie absolue, un message fort dans un contexte où les anciennes familles protestantes devaient affirmer leur fidélité au roi. En plus de cette symbolique, la tête d’Hercule faisait également écho à la notion de victoire et de transformation personnelle, un message très important à une époque où la famille de Paul devait naviguer entre leurs racines protestantes et leur nouvelle foi catholique imposée par la Révocation de l’Édit de Nantes.
En intégrant cette symbolique, l’Hôtel de Paul affichait publiquement non seulement la puissance de ses occupants, mais également leur loyauté envers l’ordre établi par Louis XIV, ce qui était essentiel pour conserver leur statut social et continuer à jouer un rôle influent dans la société montpelliéraine. Cette tête d’Hercule, présente également à l’Hôtel Deydé sur la rue du Cannau, souligne ainsi le rôle de l’architecture comme moyen d’expression politique et sociale, où chaque détail était minutieusement pensé pour évoquer la grandeur, la loyauté, et le prestige de la famille.
L’Escalier de l’Hôtel de Paul : Une Innovation Architecturale
Passée la lourde porte en noyer décorée de ses platines d’origine finement ciselées, le visiteur accède à un vestibule voûté qui mène à une cage d’escalier d’une seule volée tournante à limon porteur. Cet escalier est un chef-d’œuvre de stéréotomie, témoignant de la virtuosité technique de d’Aviler. La ferronnerie ornant l’escalier, imitant des balustres avec ses jeux de transparence, contribue à l’élégance de l’ensemble et joue subtilement avec la lumière traversant les baies vitrées.
En adoptant un escalier donnant sur la rue plutôt qu’une cage ouverte sur cour, comme le voulait la tradition montpelliéraine du XVIIe siècle, l’Hôtel de Paul marque une étape importante dans l’évolution de l’architecture locale.
L’Hôtel de Paul reste un exemple emblématique de l’architecture montpelliéraine, incarnant le prestige et la modernité de la fin du XVIIe siècle. Conçu par l’architecte Augustin-Charles d’Aviler, il témoigne de l’importance de la magistrature dans l’introduction de nouveaux modèles architecturaux en Languedoc, région souvent perçue comme réticente aux changements.
Ce trésor architectural continue d’attirer les passionnés d’histoire et d’architecture, en racontant à travers ses pierres et ses ornementations l’histoire d’une époque où Montpellier se transformait et se modernisait, au rythme des volontés de ses grandes familles patriciennes.
Bibliographie et liens
Verdier Thierry, 2003 .- Augustin-Charles d’Aviler : Architecte du Roi en Languedoc (1653-1701) .- Nouvelles Presses du Languedoc .- 588 pages
L’hôtel de Paul sur la base Plateforme ouverte du Patrimoine
