Les deux pendules de chez Cabanon, rue de la Loge

1er juin, il est temps de régler les pendules montpelliéraines.

A Montpellier, comme partout en France, on pouvait trouver midi à 14h jusqu’en 1891… C’était tout à fait logique en fait, ainsi que vous pourrez le découvrir dans la seconde partie de cette publication puisqu’il n’existait pas encore l’harmonisation des heures en France.

Mais ainsi qu’en témoigne cet article du 1er juin 1892, à Montpellier, il était temps de mettre d’accord toutes les horloges de la ville qui chacune donnait l’heure qu’elle souhaitait, le voici tel que vous auriez pu le découvrir en ouvrant votre journal :

C’est au maire de Montpellier que nous adressons cette demande et nous ne visons pas les différents groupes républicains de notre bonne cité.

Nous voulons parler, tout simplement, des horloges de la ville qui persistent à marquer des heures différentes. L’horloge du lycée, l’horloge du théâtre, l’horloge de la gare, l’horloge de la Croix de Fer vont à leur guise, donnant l’heure suivant leur bon plaisir.

Depuis le malencontreux décret imposant l’heure de Paris à la France entière, il est devenu impossible aux Montpelliérains de régler leur montre.

Nous sommes, certes partisans d’une autonomie communale aussi large que possible, mais nous ne croyons pas qu’il soit nécessaire, dans l’espèce de lever l’étendard de la révolte. Acceptons l’heure de Paris et imposons-la aux horloges publiques. La Population acceptera certainement sur ce point, la suprématie de la capitale. Espérons que M. Baumel fera ce que M. Laissac n’a pas voulu faire...

Explications :

Pendant bien longtemps, chaque ville ou même village fixait sa propre heure, en se fondant sur le zénith du soleil. Cette position permettait de définir l’heure de midi. Ensuite, on procédait à la subdivision de la journée en 24 heures grâce à un cadran solaire. Mais ceci n’était pas sans poser de problèmes car chaque ville, en fonction de sa longitude, disposait de sa propre heure. Ce qui n’était pas un souci jusqu’au milieu du 19ème siècle, au temps des déplacements lents, et du peu de communication en instantanée entre les villes, devint avec le développement du chemin de fer, un vrai problème car il aurait été nécessaire d’établir des horaires en fonction des heures des villes traversées. De plus, on connait les problèmes de mathématiques avec les trains qui se croisent en fonction de leur vitesse. Il devenait urgent de faire disparaître cette contingence. C’est pour cela que l’on procéda à la normalisation du système horaire français et que les compagnies de chemin de fer adoptèrent l’heure du méridien de Paris. Chaque ville était dès lors dotée d’une double heure, celle calculée localement grâce au zénith, et une seconde heure que l’on appelait « l’heure du train » qui correspondait à celle de Paris.

Cette coexistence de ces deux heures dura jusqu’à la loi du 14 mars 1891 qui imposa l’heure de Paris à l’ensemble du territoire. Elle était donnée par les horloges des bâtiments officiels et officialisée par les télégrammes édités par l’Observatoire de Paris. Mais localement, surtout dans nos provinces éloignées de Paris, et marquées par les traditions, on conserva l’heure locale et la boutique de Cabanon, rue de la Loge, en assura le double affichage jusqu’au moins la première guerre mondiale, ainsi qu’en témoigne la carte postale présentée en illustration de cette publication.

Alors, à vos montres qu’il est temps de régler… en n’oubliant pas le célèbre quart d’heure montpelliérain 

Après des études en science politique et en géographie et histoire de l'urbanisme, Fabrice Bertrand, né à Montpellier, anime depuis 2016 le groupe Facebook "Montpellier Histoire et Patrimoine" qui compte près de 30.000 membres. Il est aujourd'hui en charge de plusieurs projets, qui visent à mettre en valeur le patrimoine scientifique et intellectuel montpelliérain.

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